Une récente édition spéciale de la prestigieuse revue Nature n’aurait pu arriver à un meilleur moment. Avec ses nombreux articles, ses rapports et éditoriaux sur le changement climatique, il s’agissait d’un excellent aperçu en prévision de la Convention des Nations unies sur le changement climatique qui se tient à Montréal.
Cette semaine, plus de 10 000 délégués en provenance de près de 200 pays sont à Montréal pour prendre part à la plus grande conférence sur le climat depuis Kyoto en 1997. Ils sont ici pour discuter des détails de l’accord de Kyoto sur la réduction des gaz à effets de serre, mais aussi pour discuter de ce qui viendra au terme du protocole, qui prend fin en 2012.
La route peut sembler longue, mais apporter les transformations que les scientifiques jugent nécessaires pour éviter de dangereuses modifications climatiques prendra du temps - de là l’importance de commencer maintenant. Des analyses récentes sur l’impact anticipé du changement climatique sur diverses régions du monde, dans un futur rapproché, ne sont pas prometteuses. Les Prairies, par exemple, pourraient souffrir de graves pénuries d’eau. Avec un climat plus doux, il pourrait tomber plus de pluie que de neige sur les Rocheuses. Ce qui équivaut à moins d’écoulement issu de la fonte des neiges pour les fermiers au cours des mois critiques de la saison agricole.
Dans l’Himalaya, le changement se fait déjà sentir : les glaciers fondent et les lacs glaciaires prennent de l’expansion. Plus d’un milliard de personnes dépendent de l’eau provenant de ces montagnes, et les climatologues qui étudient cette région sont préoccupés par les pénuries d’eau à venir. Dans le Grand Nord canadien, les transformations sont également en cours. La glace sur laquelle les Inuits pouvaient auparavant compter pour la chasse et le transport devient dangereusement mince et se forme tardivement dans l’année. Ceci représente une menace pour la culture inuit, ainsi que pour les espèces animales qui dépendent de la glace, comme les ours polaires.
Le Canada a énormément à perdre du réchauffement climatique. Après les pays en développement qui, en grande partie, n’ont pas l’infrastructure pour faire face au changement du climat, le Canada est l’un des pays qui sera le plus affecté. Par habitant, nous sommes aussi l’un des pays les plus polluants dans le monde, tout juste aux côtés des États-Unis. C’est pourquoi nous avons l’obligation de jouer un rôle de premier plan lors de la conférence de Montréal.
Attendre les conseils des États-Unis sur la question n’est pas une option. Sous l’administration Bush, la science a été sérieusement sapée, et les scientifiques du climat subissent constamment les attaques des « sceptiques du réchauffement global », bien financés par les groupes industriels pour nier et confondre la science sur le changement climatique. Ceci a également lieu au Canada, bien que ce soit de manière moins flagrante.
Un récent éditorial de Nature a soulevé l’étendue du problème aux États-Unis. Ayant pour titre « Washington ne semble toujours pas comprendre la menace du réchauffement global », l’article mentionne que « les sceptiques du réchauffement de la planète ont encore beaucoup trop d’emprise à Washington où, plus tôt cette année, un membre du Congrès a assigné l’auteur Michael Crichton à venir comparaître en tant que témoin ’’scientifique’’ sur les changements climatiques, pour son roman pseudo-scientifique State of Fear. »
Le Canada connaît mieux la situation que son voisin, tout comme ses politiciens. J’ai souvent parlé des changements climatiques à plusieurs dirigeants canadiens et je suis impressionné par leurs connaissances. Toutefois, tout le savoir du monde ne pourrait nous aider, à moins d’être mis en application. Et c’est ici que le Canada déçoit, tant au niveau fédéral qu’au niveau provincial dans la plupart des cas.
Le Canada jouit encore d’une réputation de chef de file en environnement même si, dans la réalité, notre performance traîne des pieds. Nous ne pouvons miser sur cette réputation encore bien longtemps. Il est grand temps que le Canada prenne position sur cet enjeu qui aura un impact énorme sur l’avenir de notre pays. La conférence de Montréal offre à nos politiciens une opportunité réelle de démontrer leur leadership en la matière, et de prendre un engagement ferme pour de plus grandes réductions de notre production de pollution, afin de nous permettre d’éviter le pire des scénarios annoncés par les scientifiques.