Yasmina Khadra est sensible aux parfums des femmes. Pourtant, derrière ce pseudonyme féminin se cache Mohammed Moulessehoules, ancien militaire algérien qui, à sa retraite, s’est consacré à l’écriture afin de dénoncer les atrocités commises dans son propre pays au nom d’Allah. le Canada lui a refusé l’octroi d’un visa cet automne, alors qu’il devait participer au Salon du livre de Montréal, à l’invitation du Consulat français.
Au fil des pages, au milieu de l’enfer, surgissent des personnages complexes, en quête de liberté : il y a d’un côté Atiq Shawquat, un ancien combattant devenu geôlier, et son épouse Mussarat, droite et courageuse mais atteinte d’une maladie incurable. Puis, il y a Mohsen et la belle Zunaira. Couple bourgeois, éduqué et libéral, qui s’accroche à l’amour comme pour échapper à la folie et donner un sens à leur existence.
Mais peut-on réellement se protéger contre cette folie qui nous guette ? Un jour, sur la place de Kaboul, une prostituée est lapidée. Parmi une foule qui réclame du sang, Mohsen, malgré lui, revendique son droit d’être « aux premières loges » afin de « regarder de près périr la bête immonde ». Yasmina Khadra signe une fable noire, ténébreuse, à la fois effroyable et sublime, où « personne ne croit au miracle des pluies, aux féeries du printemps, encore moins aux aurores d’un lendemain clément ». Où « les hommes sont devenus fous » et « ont tourné le dos au jour pour faire face à la nuit ». Servie par une construction narrative fort habile où s’entrelacent et se heurtent les destins des protagonistes, l’intrigue nous tient en haleine jusqu’à la dernière page. On souhaiterait une lueur d’espoir, un souffle nouveau, un réconfort. Mais rien. Les hirondelles de Kaboul se sont dispersées dans le « ballet des missiles » et la chaleur pousse même les corbeaux au suicide.