Les féminismes, toujours d’actualité !

jeudi 8 mars 2012, par Jacinthe Leblanc

Aujourd’hui, 8 mars, c’est la journée internationale des femmes. Oui, oui. DES femmes, et non DE LA femme comme certains-es disent encore. Même principe qu’ailleurs. Il y a une diversité de femmes, pas seulement un modèle…

Encore cette année, la journée est (plus que) nécessaire. Avec, d’un côté, un gouvernement conservateur qui menace sans cesse les acquis des luttes passées qui touchent de près ou de loin les femmes : droit à l’avortement, abolition du registre des armes à feu (sans oublier la fête qui a suivi), la Loi sur la sécurité des rues et des communautés (le fameux projet de loi C-10 sur la justice criminelle) [1], le projet de loi C-31 qui menacerait le statut de résident permanent (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés) [2], et j’en passe. Et de l’autre côté, un gouvernement provincial néolibéral qui adopte des pratiques de plus en plus douteuses, notamment en matière d’éducation (hausse des frais de scolarité), de santé (taxe santé de 200$) et d’environnement (Plan Nord, réfection de la centrale nucléaire Gentilly-2, barrages hydroélectriques, projets miniers…). Et tout ça, c’est sans parler de ce qui se passe sur la scène internationale, là où les luttes sont différentes des nôtres, mais où le système patriarcal, sexiste et raciste à l’égard des femmes est très semblable… Toujours cette quête de pouvoir et de contrôle…

Les luttes n’étant toujours pas gagnées, les raisons sont nombreuses pour justifier notre colère. Et on dirait qu’elles ne cessent de s’accumuler, jour après jour. Voici deux brefs exemples.

La hausse des frais de scolarité

Selon une étude faite par l’Institut Simone de Beauvoir, de l’Université Concordia, les femmes seront davantage touchées par la hausse des frais de scolarité imposée. D’abord, parce qu’il existe toujours les inégalités salariales :

Les mouvements féministes clament depuis des décennies que, à travail égal, les femmes gagnent moins que les hommes. Les statistiques récentes viennent corroborer leurs dires : les dernières données, qui remontent à 2008, démontrent que les femmes gagnent 71 cents pour chaque dollar gagné par les hommes. Par conséquent, demander aux personnes de contribuer davantage au financement de leurs études universitaires affecte particulièrement les femmes. Puisqu’elles continuent globalement d’être moins bien rémunérées que les hommes, elles seront les premières touchées par la hausse des droits de scolarité. [3]

Ensuite, demander aux étudiants-es d’« investir dans leur avenir » en acceptant la hausse des frais provient d’une rhétorique marchande, souligne l’étude de l’Institut Simone de Beauvoir. Cette rhétorique exige l’investissement dans le maintien des inégalités entre hommes et femmes, notamment parce que pour un même diplôme, un homme et une femme n’auront généralement pas le même revenu. Pensez-y. Encore aujourd’hui, employer une femme, c’est risqué, car elle pourrait tomber enceinte !!

L’étude poursuit : « Nous rejetons cette logique néolibérale et nous réclamons un régime qui assurera aux femmes et aux hommes du Québec un accès égal aux études universitaires, dès maintenant et dans le futur. »

Ce n’est donc évidemment pas une question de favoriser un sexe au détriment de l’autre.

Les femmes et l’environnement : l’écoféminisme politique

L’écoféminisme, courant de pensée alliant écologie sociale et féminisme radical, s’intéresse à la domination des femmes et à la dégradation des écosystèmes. Lieu de débat pour toutes crises sociales et écologiques, l’écoféminisme soutient que le processus de domination patriarcale que subissent les femmes est le même que celui que subit la nature. En plus des femmes et de la nature, une troisième catégorie s’ajoute : les peuples pauvres. La division sexuelle du travail est un concept fondamental à l’écoféminisme politique. [4]

Ceci étant dit, les femmes sont très peu présentes dans les enjeux environnementaux qui sortent de la sphère « classique » (telle la santé environnementale par exemple). Pourtant, elles forment la moitié de la population ! On pourrait croire que les femmes ont leur mot à dire dans l’exploitation des ressources non renouvelables, dans la gestion des territoires ou encore dans les questions énergétiques. Elles ne s’y retrouvent pourtant pas, ou très peu !

Regardons deux exemples concrets avec une lunette (éco)féministe.

La guerre. « Ses conséquences sont extrêmement importantes sur les femmes : viols, impacts sur leur santé et celle des futurs enfants à cause de l’utilisation d’herbicides et d’agents chimiques et biologiques comme l’agent orange ou le gaz moutarde, déplacement de population où les femmes sont souvent celles qui reprennent en main la communauté. Les guerres ont également des impacts très néfastes sur l’environnement et les écosystèmes : mines antipersonnelles, destruction des écosystèmes par les véhicules militaires, déforestation et graves conséquences sur la biodiversité dues aux réfugiés. [5] En plus de continuer à assurer un approvisionnement minimal pour leur communauté, les femmes s’occupent des malades victimes de la contamination, résultat de guerres, de bombardements ou d’accidents nucléaires. La prostitution est aussi une conséquence de la présence militaire, que ce soit lors de combats, d’occupations ou autour des bases militaires. Il est donc plus que nécessaire de changer cette logique militaire, machiste et patriarcale fondée sur la valorisation de l’agression et de la domination des femmes, de la nature et des groupes racisés. Pour y parvenir, on doit aller à la racine du problème : le système patriarcal, capitaliste et colonialiste. On ne peut pas aborder qu’un aspect du problème pour tenter de le régler. On doit sortir de ses zones de confort et remettre en question ce système qui sous-tend nos sociétés. » [6]

Les grands projets d’extraction des ressources. [7] Dans une proportion plus grande, ce sont les hommes qui contrôlent l’environnement et les ressources, tandis que les femmes sont les victimes de premier plan des dégradations environnementales. Deux conséquences majeures découlent de ces dégradations pour les femmes : une augmentation 1) de la violence au travail sous toutes ses formes et 2) des services sexuels. [8]

Le pouvoir est socialement genré, puisque son utilisation et son « sens » appartient généralement aux hommes. En acceptant cette prémisse, il est logique de conclure que les femmes seront les principales victimes de cette violence. Appliquée à des projets d’extraction de ressources (pensons à l’exploitation d’une mine par exemple), l’hypothèse qu’il y aura augmentation de la violence faite aux femmes présentes dans les milieux de travail traditionnellement masculins est très plausible. En octobre 2011, Le Devoir relatait l’expérience de travailleuses sur le chantier de La Romaine. Celles-ci étaient (et le sont probablement encore !) victimes de harcèlement et de violence dans leur milieu de travail. Ces répercussions sont par ailleurs étroitement liées aux représentations que l’on se fait de la masculinité et de la féminité en milieu de travail.

Il est également possible d’entrevoir une hausse des services sexuels près des chantiers d’extractions des ressources. Plusieurs études vont dans ce sens : l’exploitation domestique et sexuelle des femmes s’ancre « dans des réalités sociales et des structures d’exploitation » causée par une situation de domination économique et de rapports inégaux entre hommes et femmes. Les conditions des grands projets de développement sont semblables : une grande quantité d’hommes au même emplacement, des divertissements limités, un éloignement géographique, un taux de pauvreté important pour les populations locales, le difficile accès aux emplois bien rémunérés par les femmes, etc. [9]

Conclusion : les luttes féministes sont encore d’actualités ! Il est important d’en prendre conscience, et pas seulement une journée par année, le 8 mars, mais bien tous les jours de l’année. Les combats menés par les femmes d’ici et d’ailleurs sont très importants et tendent vers une société juste, égalitaire, et parfois même vers une société écologique !


[3Déclaration sur la hausse des droits de scolarité au Québec et son impact sur les femmes : http://wsdb.concordia.ca/about-us/official-position-on-issues/documents/2012SdBITuitionFees.pdf (consulté le 8 mars 2012).

[5Pour d’autres exemples, voir Pearce, Fred, Guerres et environnement : réactions en chaîne, En ligne : http://www.unesco.org/courier/2000_05/fr/planet.htm (page consultée en février 2010).

[6Extrait d’un article que j’ai jadis écrit (en 2010) pour le journal Le Mouton Noir. Disponible ici : http://www.moutonnoir.com/2010/03/la-necessite-d%E2%80%99une-perspective-ecofeministe-politique/

[7Tiré d’un travail scolaire fait en 2011 sur les impacts des projets d’extraction sur les femmes.

[8Il est important ici de garder à l’esprit que les femmes et les hommes contribuent de façon différente à un projet d’extraction des ressources, subissent les effets autrement et ne vont pas recommander les mêmes solutions. Les femmes sont plus vulnérables aux impacts et sont touchées de différentes façons en raison d’inégalités (écarts de revenus, accès aux processus décisionnels, etc.).

[9Pour deux exemples concrets, se référer aux deux articles suivants : Renouard, Cécile. 2010. « Le Nigéria et la malédiction des ressources ». Études 10 (413), 307-318. Et Wietzner, Viviane. 2002. Politiques et pratiques de pointe quant aux peuples autochtones et à l’exploitation minière : leçons clés pour le Sommet mondial et la suite qui y sera donnée. Ottawa : Institut Nord-Sud.

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