De 1 400 étudiants employés inscrits sur la liste, environ 800 se sont déplacés pour se prononcer en faveur du syndicat, appuyé à 96 %. Pour Marie-Hélène Laurence, présidente provisoire du syndicat, les objectifs de la démarche sont clairs : « Il s’agit de se regrouper, de briser l’isolement, d’établir un espace de discussion, de dialogue, parce que les étudiants vivent des problèmes analogues, qui se rejoignent peu importe le département. » Elle ajoute que le seul fait d’obtenir un emploi à l’UQAM à titre d’étudiant est souvent perçu comme un privilège, ce qui entraîne une non- reconnaissance du statut de travailleur. Il s’agissait donc également de « se doter d’une représentativité, de se donner une voix au chapitre, pour qu’on nous reconnaisse comme des travailleurs qui jouent un rôle primordial dans l’université », explique-t-elle.
La création du syndicat s’articule autour de quatre revendications. D’abord, la question salariale. À l’Université de Montréal et à l’Université Laval, les étudiants gagnent entre deux et quatre dollars de plus par heure, sans être syndiqués, alors qu’à l’UQAM, le salaire n’a pas été revu à la hausse depuis 1996. Un autre cheval de bataille concerne la propriété intellectuelle : le travail est souvent perçu comme étant la propriété du payeur, alors que les étudiants méritent que leur travail soit reconnu et valorisé comme tel. Le syndicat militera également pour que les étudiants travaillant en laboratoire ou sur le terrain aient une couverture d’assurance décente, et puissent bénéficier de congés parentaux.
Me Pierre-Paul Lavoie, ombudsman, se réjouit de la création du syndicat des étudiants employés, car « les litiges en lien avec la propriété intellectuelle et les relations de travail, s’ils sont récurrents et importants, ne représentent paradoxalement pas un nombre élevé de plaintes, dû au rapport de pouvoir entre professeur et étudiant qui désavantage ce dernier », explique-t-il. Dans son rapport annuel au conseil d’administration pour l’année 2002-2003, il recommandait d’ailleurs que l’UQAM se dote d’une politique afin « d’harmoniser les conditions de travail, particulièrement la rémunération [qui peut varier selon les départements], et de prévoir un recours advenant une mésentente ».
Les défis du processus
L’UQAM avait dû remettre une liste des étudiants employés à la suite de la première déposition du rapport annuel de l’ombudsman en août 2003, mais celle-ci n’était ni à jour ni complète. C’est donc un petit noyau d’environ cinq étudiants qui se sont attelés à la tâche de parcourir les couloirs de l’UQAM, à la recherche des étudiants employés, tentant de percer les réseaux d’assistants de recherche, d’informer les étudiants du processus en cours, de faire signer des cartes, d’obtenir des noms, des locaux et des courriels. Comme le souligne Jérôme Messier, militant syndical, le principal défi « n’était pas tant de convaincre les étudiants de la démarche, mais de les retrouver, parce qu’ils sont mobiles et dispersés ». Et, ajoute-t-il, « il était essentiel de conserver la mobilisation et la motivation du “ noyau ” qui investissait efforts, temps et énergie dans cette démarche ».
L’Alliance de la fonction publique canadienne (AFPC) a fourni les ressources techniques et financières, tout en encourageant l’élaboration d’une charte directe qui permettra au syndicat des étudiants employés de l’UQAM de gérer lui-même ses finances, les cotisations et les projets. Jérôme Messier soutient cependant que les résultats du 30 avril ne représentent qu’une étape, car plusieurs défis demeurent à l’horizon : « L’université n’est pas un milieu de travail traditionnel. Il faudra élaborer une convention collective flexible, qui reflète des conditions de travail particulières. Il faudra faire preuve d’imagination, d’innovation et de création », dit-il. Vu le roulement des étudiants employés, le syndicat devra également s’assurer de toujours compter le 50 % plus un et de prévoir une relève constante dans l’exécutif et sur les différents comités.
Le syndicat ne changera pas la vie quotidienne d’un étudiant employé. « La flexibilité, la convivialité de travailler avec un professeur qui est, la plupart du temps, également un directeur de recherche, restera la même, souligne Marie-Hélène Laurence. Cependant, en cas de problème, les étudiants pourront être représentés et défendus. »