Billet

Les autochtones se lèvent

jeudi 29 mai 2008, par Judy REBICK

Depuis quelques jours, Toronto est au centre d’une bataille historique menée par les autochtones des Amériques pour défendre leurs droits territoriaux contre les entreprises minières et forestières.

Des centaines d’autochtones de l’Ontario se sont rendus à Queens Park, au Parlement provincial, pour exiger que le gouvernement respecte leurs droits de dire non à l’exploitation minière et forestière dans leurs territoires traditionnels. Deux communautés à l’origine de l’événement ont des leaders en prison pour outrage au tribunal, parce qu’ils ont refusé de permettre des activités de prospection sur leur terre sans leur permission. Le chef algonquin à la retraite et professeur d’université, Bob Lovelace, a été condamné à six mois de prison il y a trois mois. Dans une entrevue à l’hebdomadaire Indian Country Today, il affirme : « Vous savez, plus longtemps je reste ici, plus je réfléchis à tout cela, et plus cela m’irrite que des grands talents de cette génération aient été gaspillés dans une relation dictée par le colonialisme. » Bob Lovelace a entamé une grève de la faim le 16 mai pour dénoncer son incarcération.

Six autres leaders autochtones de Kitchenuhmaykoosib Inninuwug ont été emprisonnés pour s’être pacifiquement opposés à l’exploration minière dans leur terre au nord de Thunder Bay. Parmi eux, Cecilia Begg, conseillère de sa bande et grand-mère, qui vient de fêter son 60e anniversaire en prison. Il y a aussi le chef Donny Morris. Même si l’emprisonnement de militants autochtones n’est pas nouveau, c’est la première fois qu’un chef en fonction, le leader officiel de la communauté tel que reconnu par la Loi sur les indiens, est enfermé pour avoir suivi les lois afin de défendre les droits de son peuple. Des jugements de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel de Colombie-Britannique affirment que les Premières nations ont le droit d’être consultées sur le développement de leur territoire.

Le gouvernement ontarien s’est justifié en invoquant l’archaïsme de la Loi sur les mines, qui donne trop de place au développement industriel. Les compagnies minières reçoivent automatiquement des permis pour prospecter où elles veulent sans obtenir le consentement des Premières nations, sans évaluation environnementale et sans même la permission des propriétaires de terrains.

Plus d’un demi-million de kilomètres carrés de territoire est revendiqué en concessions minières dans la forêt boréale canadienne, dans le cadre d’un système d’entrée libre mis en place il y a 150 ans à l’époque de la ruée vers l’or du Klondike. En vertu de ce système, les concessions minières sont acquises automatiquement, sans considérer les autres priorités liées à l’aménagement du territoire, et sans informer ni demander le consentement des autochtones touchés. 10 % de la forêt boréale canadienne a déjà été revendiquée pour l’exploitation minière. Même si le premier ministre ontarien, Dalton McGuinty, a dit qu’il modifierait la Loi sur les mines, aucune action concrète n’a été posée par le gouvernement pour imposer un moratoire sur l’exploitation minière sur les terres des Premières nations.

Des autochtones du Chili, du Honduras et du Guatemala étaient également présents à Toronto. Ils ont protesté à l’assemblée annuelle des actionnaires de la compagnie aurifère Goldcorp. Ils s’opposent aux dévastations environnementales et aux violations des droits humains par les entreprises minières canadiennes.

Le combat de toutes ces communautés autochtones, du Nord et du Sud, vise non seulement leur survie et la protection de leurs droits, mais aussi la préservation de l’écosystème de la Terre, qu’il considère comme sacrée.

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