Pour la première fois de l’histoire, un Noir a de fortes chances d’accéder à la présidence des États-Unis. Barack Obama représente une génération de leader qui ne bâtit plus son discours autour des droits civils comme ce fut le cas de ceux qui ont mené de grandes luttes pour l’égalité durant les années 1960. Inachevé, le combat pour l’égalité prend maintenant une autre forme. Alternatives en a discuté avec James Rucker, militant noir qui a créé le site Internet ColourOfChange.org pour donner une plus grande voix à sa communauté.

Quels sont les enjeux qui préoccupent la communauté noire aux États-Unis ?
Les inégalités dans le système de justice sont très importantes, en raison du fort taux d’incarcération des Noirs. Par exemple, les peines pour possession de cocaïne sont beaucoup moins sévères que celles concernant le crack. Pourtant, ces deux substances sont similaires. Mais ce sont surtout des Blancs qui consomment de la cocaïne et des Noirs du crack.
Les inégalités dans l’aide fournie par l’État, comme ce fut le cas lors de la catastrophe causée par Katrina à la Nouvelle-Orléans, constituent aussi un problème, tout comme les disparités en ce qui concerne l’accès aux soins de santé et au droit de vote.
Évidemment, ces questions ne sont pas nécessairement liées à la race, mais aux États-Unis, elles affectent de façon disproportionnée les Noirs. Les pauvres sont les plus vulnérables.
La lutte est donc différente de celle du mouvement pour les droits civils des années 1960 ?
Le racisme était beaucoup plus évident à cette époque et c’était plus facile de s’y attaquer. Aujourd’hui, c’est plus caché. Par exemple, des secteurs noirs reçoivent moins d’argent pour des projets communautaires, et des écoles de certains quartiers sont moins financées. Ces inégalités ne seront pas abolies en modifiant une loi spécifique comme c’était le cas auparavant, ce qui rend la lutte plus difficile.
Nous devons aussi combattre des choses qui ne sont pas illégales. Par exemple, mon organisation, Color of Change, a lancé une campagne contre la chaîne de télévision Fox News, qui n’enfreint pas de lois, mais qui, par ses attaques contre les Noirs, empoisonne les relations raciales.
Que faut-il changer au sein du leadership noir pour que les choses bougent ?
Premièrement, il faut dire que notre communauté est très diversifiée. Les gens ont différents buts et objectifs. Des divisions de classe entre les aspirations des pauvres et de la classe moyenne ont toujours existé. Par contre, certains leaders ont été cooptés. L’argent et les jeux politiques font parfois en sorte que les élus sont déconnectés des réalités de ceux qu’ils représentent.
Les Noirs s’apprêtent à voter massivement en faveur de Barack Obama. Comptent-t-ils sur lui pour changer les choses ?
Non. La majorité des Noirs comprend les limites du pouvoir d’action de Barack Obama comme président. Il devra représenter tous les Américains et il ne peut agir seul, puisqu’il doit composer avec le Congrès.
Les gens sont excités par la candidature d’Obama et ils pensent que certaines questions, comme les disparités dans le système d’éducation ou le taux d’incarcération des Noirs, seront peut-être davantage discutées s’il est élu. Par contre, ils savent qu’Obama n’est pas un magicien qui pourra tout régler.
Est-ce que les Américains sont prêts pour un président noir ?
Nous allons voir ! Les républicains vont tenter de présenter Obama comme un Noir un peu bizarre, afin de semer un doute dans la tête des électeurs dans le genre « est-il vraiment prêt à diriger le pays ? ». Mais quand on examine sa maîtrise des dossiers économiques, sociaux ou de politiques étrangères, ses talents pour inspirer la population ainsi que la façon dont il mène sa campagne, alors on se rend compte qu’Obama est prêt pour la présidence.