Au début des années 1990 en Grande-Bretagne, le gouvernement Thatcher mettait en place de nouvelles mesures économiques qui allaient paver la voie à l’économie ultra capitaliste que le monde entier a le bonheur de connaître aujourd’hui. Désormais, il n’y aurait plus jamais de honte à être prospère. Les grandes entreprises cessèrent de cacher timidement leurs profits et se mirent à glousser de plaisir devant la croissance de leur chiffre d’affaires. Au détriment des êtres humains, la livre sterling remplaça Dieu.
On a alors assisté à l’émergence d’une nouvelle race de pauvres. La pauvreté n’est plus seulement l’apanage de la classe ouvrière, des marginaux, des malades mentaux ou des toxicomanes. Elle s’est propagée davantage, se glissant furtivement dans des milieux jusqu’alors épargnés. Les bas salariés découvrirent rapidement une nouvelle sorte de faim. Soudainement, la classe moyenne et des familles entières eurent besoin de deux, trois voire quatre revenus pour arriver à boucler leur budget.
Pendant cette période, l’écrivain Robert McLiam Wilson et le photographe Donovan Wylie se livrèrent à une enquête dans différents coins du pays. À travers eux, nous rencontrons ces dépossédés : des gens ordinaires, honnêtes et travaillants dont les genoux fléchirent, des gens jetés par terre par la sauvagerie d’un système économique impitoyable. Des gens qui, tout comme les auteurs, ont du mal à comprendre cette brusque précarité économique.
« La pauvreté est une chose étrange. Elle est atemporelle, internationale et apparemment permanente. Elle est tolérée, ignorée et supportée. [...] C’est une conséquence auto-infligée du déclin industriel. C’est un garde-fou créé par l’évolution. C’est une retombée de la conspiration capitaliste. C’est la volonté de Dieu. »
Livre inclassable, Les Dépossédés se situe à mi-chemin entre le roman et l’essai. À sa façon, c’est aussi un déchirant réquisitoire contre la barbarie du capitalisme à outrance.