Marché du carbone, économie « verte », éco-barons ; notre paysage est bombardé d’initiatives soi-disant vertes. Notre conscience est soulagée ; nous continuons notre rythme de vie effréné sans, semble-t-il, en souffrir les conséquences. Notre développement devient certes plus vert à plusieurs égards, mais est-ce que toutes les innovations en ce sens nous mènent réellement vers une planète plus verte ? Sont-elles l’ultime solution à tous nos problèmes ? Tout porte pourtant à croire qu’elles ne font que panser la plaie en attendant l’hémorragie.
Être vert doit-il être profitable ?
L’impératif de profit, voilà ce sur quoi le marché du carbone et l’économie verte sont basés. Le gouvernement québécois promeut le marché du carbone en indiquant que protéger l’environnement deviendra désormais payant. La protection de notre air, notre eau, de la faune et la flore étant apparemment une cause qui n’est pas assez incitative. Mieux vaut mettre de l’argent en jeu.
L’économie verte emprunte la même philosophie. Privatisons et rentabilisons les ressources de sorte qu’elles soient traitées avec parcimonie et respect. L’utilisateur sera supposément plus soucieux d’un bien qu’il aura payé.
Les mesures de ce genre résulteront pourtant d’une même conséquence ; les riches continueront à polluer et à utiliser les ressources terrestres à outrance pendant que les pauvres auront du mal à subvenir à leurs besoins de base, ne pouvant pas se permettre de payer pour polluer ou encore, pour consommer des denrées essentielles à la vie humaine.
Au final, les éco-barons feront quelques dons hypocrites et les entreprises poseront quelques feuilles vertes sur leur emballage. L’honneur des riches sera lavé pendant que la terre continuera son naufrage.
Amélioration ou réduction ?
Malgré le fait que certaines initiatives vertes ne fassent pas de tort au paysage entrepreneurial, la solution aux problèmes actuels ne réside pas uniquement dans un processus de production plus écologique. Il n’est pas seulement question de rendre la production moins énergivore et polluante, mais également de la réduire.
Le recyclage est un exemple notoire de la raison pour laquelle le rythme de production doit être revu à la baisse. Les matériaux sont réutilisés, remodelés. La nécessité d’extraire à répétition les ressources du sol ou du sous-sol terrestre est donc soustraite du processus.
Ce que les adeptes de cette méthode omettent cependant de mentionner, c’est que recycler demeure un processus énergivore. La consommation de matériaux est moindre, mais pas nécessairement celle en énergie. La méthode n’est pas pour autant à bannir, mais elle ne doit pas non plus être considérée comme l’unique et ultime solution aux problèmes présents, ce qui est trop souvent le cas.
L’échec de l’impératif économique
Dans le même ordre d’idées, le verdissement de la production projette l’impression qu’il est désormais acceptable de consommer plus. Les produits et l’énergie étant plus verts, consommer apparaît désormais comme moins dommageable qu’auparavant.
Sans étonnement, la première maison certifiée Leadership in Energy and Environmental Design (LEED) au Québec a finalement usé plus d’énergie qu’une maison sans certification. La raison ? Le coût de l’énergie étant moindre, les utilisateurs n’ont pas ressenti l’incitatif de réduire leur consommation, allant même jusqu’à l’augmenter !
Économiser ou même gagner de l’argent en récompense à des pratiques plus vertes ne résulte ni d’un individu, ni d’une industrie plus responsable écologiquement parlant. Les motivations extrinsèques n’ont vraisemblablement pas un aussi grand impact que les motivations intrinsèques.
Une garderie en Israël a d’ailleurs fait les frais de ce penchant particulier de la nature humaine. Étant aux prises avec un problème récurrent de retard des parents après leur journée de travail, l’établissement a institué un système d’amendes, question d’inciter les fautifs à respecter les horaires de la garderie.
Plutôt que de diminuer le taux de retard, ce mécanisme a plutôt haussé le taux d’infractions. Le fait d’arriver en retard est devenu plus acceptable, les parents considérant compenser leur infraction par leur rétribution monétaire. La transition d’une motivation intrinsèque à celle d’une motivation extrinsèque s’est ainsi révélée être un échec total.
Transposée au monde de l’industrie, cette métaphore s’avère inquiétante. La possibilité de payer pour compenser ses émissions polluantes entraînera-t-elle une augmentation ou une stagnation du taux d’émissions polluantes ? Fort possible. L’impératif économique semble être géré avec beaucoup plus de liberté qu’une obligation sociale, particulièrement pour les industries et les individus qui possèdent le luxe du portefeuille bien garni.
Des conséquences irréversibles
Un processus de production plus vert et moins énergivore ne préviendra pas non plus, sinon indirectement, l’extinction de nombreuses espèces animales et végétales. Par exemple, le marché du carbone n’empêchera pas les pêcheurs de vider les océans. Les bateaux dans lesquels ils navigueront auront beau être alimentés par un carburant à base de pissenlits, leur pratique n’en restera pas moins nuisible pour la génération présente et les générations futures.
L’impact de l’extinction de nombreuses espèces sur l’écosystème dans lequel nous vivons demeure certes méconnu. Une chose est sûre : chaque élément dans un écosystème a une utilité particulière et surtout, essentielle. L’extinction d’un seul élément est en mesure de chambouler un écosystème en entier, un écosystème dont l’humain peut faire partie. L’attente d’une solution miraculeuse n’est pas un luxe que l’humain peut se permettre face à l’érosion de la faune et la flore.
Devant cette dernière conséquence particulièrement alarmiste, il est donc amplement temps de mettre les résolutions hypocrites des entreprises, des gouvernements et même des individus de côté afin de s’attaquer au problème réel. La priorité n’est pas de tirer profit d’une planète plus verte ou de pouvoir consommer davantage. La préséance doit être accordée à un système combinant un ralentissement de production et de consommation ainsi qu’un processus de production écologique et équitable. Cette résolution ne doit pas être accomplie au profit des peuples ou des individus moins choyés, mais au profit des entreprises et des individus qui ont déjà bénéficié à outrance des joyaux terrestres. Riches ou pauvres, nous devons nous rappeler que la survie de l’être humain dépend, avant tout, de celle de la planète terre.