Au Québec, « le sida n’est plus une maladie médiatique comme elle l’a déjà été, alors que quantité de jeunes hommes mouraient. Maintenant qu’il y a des traitements efficaces, on a l’impression que le problème est réglé. Mais c’est faux ! », s’insurge le Dr Réjean Thomas, fondateur de la clinique médicale, L’Actuel.
On assiste depuis quelques années à une diminution des comportements sexuels sécuritaires. Conséquence : une épidémie de MTS observable dans toutes les grandes métropoles occidentales qui touche tous les milieux. Selon Réjean Thomas, le VIH ne fera pas exception chez les clientèles à risque (la communauté gaie et les toxicomanes).
« J’ai l’impression qu’il y a une génération à qui on a très peu parlé du sida, à l’école, à la maison ou dans les médias. J’ai annoncé dernièrement à de jeunes homosexuels de 18-19 ans qu’ils étaient atteints du VIH. Ils ne possédaient aucune connaissance à ce sujet, sinon l’information générale, et ignoraient quels étaient les impacts de la maladie et ce qu’était la trithérapie », raconte le médecin.
De lourds préjugés
Malgré l’accès à des traitements et ce qui semble être une plus grande ouverture des mentalités, la majorité des sidéens restent exclus. « Le sida apparaît encore aux yeux de bien des gens comme une maladie honteuse », note Claude Bédard, directeur général de la Maison Dehon, un établissement reconnu offrant des soins palliatifs aux gens atteints du sida.
Ainsi, si les médicaments interviennent sur la physiologie des malades, la Maison Dehon, elle, veille à leur redonner leur dignité. « Nous sommes des "instruments de tendresse". Nous accueillons des individus qui, en plus d’être rejetés de leur famille parce qu’ils ont intégré des milieux marginaux, sont récusés à cause de la maladie », poursuit M. Bédard. Cette approche a non seulement permis de réhabiliter des délinquants, mais aussi de prolonger la vie de patients en phase terminale alors que la trithérapie n’existait pas encore. Malgré un tel succès, la Maison Dehon s’est vue retirer la totalité de ses subventions par le gouvernement provincial, il y a quelques années. Elle continue d’opérer, mais difficilement, grâce à différentes campagnes de financement.
Dans ce climat d’indifférence générale, comment lutter efficacement contre le sida ? « En organisant des campagnes soutenues, répond Réjean Thomas. Le Brésil mène deux ou trois campagnes par année. À chaque fois, on y traite de thèmes différents, on renouvelle l’information, ce n’est jamais plate. Il ne s’agit pourtant pas d’un pays riche, mais on a réussi à y diminuer la prévalence du VIH. Ici, on met de l’avant de tels efforts pour la lutte au tabagisme. Pourquoi pas aussi pour le sida ? »
Annie Richer, collaboration spéciale