Le précédent malgache

mardi 1er octobre 2002, par Jean-Yves BARRÈRE

Juste avant que Jacques Chirac, nouvel élu de la République française, n’aille donner une leçon de « développement durable » aux chefs d’État réunis pour le Sommet de Johannesburg, il était important que la situation à Madagascar, île à deux encablures de l’Afrique du Sud, soit correctement réglée. Cela a été fait le 3 juillet, par un voyage d’urgence du ministre de Villepin à Antananarivo, et la signature de quelques conventions de coopération qui attendaient depuis plusieurs mois...

Au même moment, une délégation de représentants de la société civile française était présente sur place pour témoigner à la société civile malgache son soutien dans la lutte sans fin contre le vieux dictateur Ratsiraka et son respect pour les actes de résistance populaire au cours du premier semestre 2002. François Xavier Verschave (de l’association Survie), Jean-Marc Dupeux (de Cimade) et Jean-Yves Barrère ( du Cedetim-Crid) ont été fort bien reçus par des militants associatifs satisfaits de rencontrer une autre France que l’officielle, qui n’a cessé de tergiverser entre le corrompu et celui que le peuple investit d’une mission de « rétablissement de l’État de droit ».

La France officielle s’est en effet ridiculisée dans cette affaire malgache, comme dans tant d’autres sur le continent voisin. Quelques renseignements doivent en être tirés.

Le vieil appareil foccartien - du nom de l’homme des réseaux africains auprès de de Gaulle, Jacques Foccart -, élargi sans doute à quelques socialistes affairistes, a gardé quelques pouvoirs et s’est encore fourvoyé en envoyant quelques mercenaires en mission jusqu’à Dar es Salam...

La recette miracle qui consistait à se servir de quelques serviteurs africains (Gabon, Congo Brazaville, Tchad...) et les revêtir de la toge des médiateurs de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) n’a pas duré longtemps. Le clan des ripoux s’est d’ailleurs divisé par la seule présence du Président sénégalais Abdoulaye Wade qui, lui, au moins, sait ce que signifie une élection démocratique. Le « précédent malgache », après celui du Sénégal, pourrait donner des idées, ici ou là dans les fiefs de la Françafrique...

Le comportement des Français et des étrangers sur place a été assez courageux pour être signalé : ils ont manifesté dans la rue, contre le candidat qu’essayait de soutenir la France.

La tentative de sécession ethnique (côtiers contre gens des plateaux) du président Ratsiraka a échoué : plus intéressante encore est la reprise pacifique des villes côtières par le pouvoir nouvellement légitimé par la rue, au cours des mois de juin et juillet 2002. L’épreuve économique, sociale, sanitaire dans toute l’île a été importante, et il faudra de nombreux mois pour remettre en marche un fonctionnement déjà fragilisé avant les élections du 16 décembre 2001.

Le président Marc Ravalomanana a parfaitement joué de « l’idéal de réconciliation générale » du peuple malgache qui, après 1972, après 1991, souhaite en 2002, établir une démocratie vivante, sans corruption et avec un État de droit. Le chef d’entreprise autodidacte, pasteur, devenu maire de la capitale malgache Antananarivo il y a deux ans, candidat inattendu fin 2001 à la présidence de la république, est investi d’une mission très lourde. Il va disposer d’une courte période d’état de grâce compte tenu du dénuement des populations, aussi bien à la ville qu’à la campagne, et du délabrement de l’économie.

Au retour de cette mission, les associations membres du Crid, de Survie et d’Agir ici ont décidé de fédérer toutes les bonnes volontés pour constituer un « consortium de solidarité avec Madagascar ». Celui-là s’est donné trois tâches immédiates : restituer le passé récent de la lutte du peuple malgache, largement méconnu, en particulier en France ; encourager les relations directes entre les peuples français et malgache et soutenir les initiatives malgaches de développement ; rester vigilant sur les questions humanitaires à Madagascar, qui risquent de prendre rapidement le pas sur toute autre stratégie, compte tenu de l’épuisement des populations et des ressources après un premier semestre dramatique à tous égards.


Le CEDETIM, fondé à Paris en 1967, est un centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale. Cette solidarité est conçue comme une valeur culturelle fondamentale qui se situe dans la continuité d’une tradition internationaliste et s’inscrit dans un projet ayant pour objectif la transformation de la société, en France comme ailleurs, dans le sens d’une plus grande liberté, d’une plus grande égalité, d’une meilleure justice sociale, d’un monde construit par tous les peuples. Elle est fondée sur le respect des droits fondamentaux individuels et collectifs. Convaincu qu’un peuple qui en domine un autre n’est pas un peuple libre.

Retrouvez tous les mois la chronique de nos amis français du CEDETIM, dans le journal Alternatives !

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