Documentaire

Le porteur d’eau

jeudi 26 avril 2007, par Adam NOVAK

À travers la quête de l’eau potable, le documentaire Le Porteur d’eau raconte comment des villageois indonésiens - catholiques et musulmans - en arrivent à travailler ensemble.

Réduites à la passivité pendant l’interminable dictature du président Mohamed Suharto (1967-1998), les communautés pauvres de l’île de Flores, dans l’est de l’Indonésie, connaissent un réveil spectaculaire. Elles rêvent de démocratie directe, d’autonomie durable, de gestion des ressources naturelles, au grand dam des profiteurs locaux. Depuis l’époque coloniale, plusieurs promoteurs se sont en effet servis du « développement » et de la complicité des notables pour s’enrichir, sans véritablement améliorer la vie dans la région.

Le film de Pascal Gélinas, à qui l’on doit notamment La turlute des années dures (1983), trace en même temps le portrait de Gilles Raymond, ex-coopérant québécois désillusionné par certains travers de l’aide internationale. Parlant des organismes de développement, Raymond explique qu’il s’agit « de beau monde », même s’ils finissent par constituer un système qui ponctionne l’argent devant aller aux pauvres, en multipliant les intermédiaires (gate-keepers). Las, mais pas défaitiste, l’ancien citoyen du village de Saint-Esprit, dans le Bas-Saint-Laurent, a refait sa vie à Flores. Non seulement il y a épousé une Indonésienne, mais il conseille désormais ses voisins sur la mise en place d’un système autogéré d’entraide. Prêchant par l’exemple, il les invite à dépasser les clivages religieux et les méfiances ancestrales.

Au début, on peut croire que le choix de vie de Gilles Raymond résulte d’un simple coup de foudre pour la beauté de l’île de Flores et par la gentillesse des insulaires. « L’eau, c’est plus que de l’eau, explique-t-il. C’est une veine qui mène au cœur des humains. » Mais le réalisateur Pascal Gélinas explore aussi le passé militant de cet homme remarquable. Il retrace son combat inégal contre la lente agonie des régions du Québec, la logique économique du tout-Montréal. Des épisodes qui amènent Gilles Raymond à se remémorer des chagrins et une solitude dans lesquels plus d’un militant reconnaîtra. « Pas facile de vivre avec un homme qui est toujours parti pour aider d’autres gens, pour essayer de changer le monde », explique Raymond en parlant de lui-même.

L’étonnante réussite du mouvement communautaire de l’île de Florès - qui commence à se répandre sur d’autres îles de l’archipel indonésien - s’explique en grande partie par son enracinement dans les traditions locales de coopération, de dialogue et de résolution de conflits. Les instigateurs du projet ne se sont pas substitués aux villageois. Ils se sont contentés de les aider à bâtir leur propre système d’autogestion. Leur démarche, empreinte de respect, semble avoir plu à certains fonctionnaires indonésiens que l’on croise dans le film. Désabusés par la corruption du système officiel, ces fonctionnaires semblent considérer que la méthode leur permet de mieux faire leur travail.

Au Québec, l’expression « porteur d’eau » rime avec soumission. Mais en Indonésie, c’est tout le contraire. Le porteur d’eau est celui qui permet à la vie de continuer. À l’espoir de demeurer vivace. On ne pouvait imaginer un meilleur titre pour un documentaire optimiste, mais sans être naïf. Rehaussé par la narration subtile de Jacques Languirand, le film de Pascal Gélinas intéressera tous ceux qui, comme l’Indonésien d’adoption Gilles Raymond, cherchent un projet de vie « entre la compassion et la justice ».


Le porteur d’eau
Tourné et réalisé par Pascal Gélinas
Musique Jean Saint-Onge
52 minutes, 2007

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