Le poète du salon funéraire

lundi 27 février 2006, par David HOMEL

Le 3 février dernier, quelque cent soixante personnes ont envahi le Théâtre de Sève de l’Université Concordia pour entendre les belles histoires racontées par le directeur d’un certain salon funéraire de la région de Détroit aux États-Unis, le Lynch & Sons Funeral Directors. Il s’agit de Thomas Lynch, un Américain d’origine irlandaise (quelles racines !). En plus de s’occuper d’enterrements, Lynch est poète et écrivain. C’est vrai : tous ces gens ne se seraient pas déplacés pour un directeur de salon funéraire qui n’écrit pas.

Depuis récemment, Thomas Lynch travaille ses racines irlandaises. D’ailleurs, il vit là-bas la moitié de l’année, et il a ce bel accent chantant des conteurs d’Irlande. Ses écrits sur son pays, sur sa famille aux États-Unis, sont nourris par la comédie de l’ethnicité : les idées reçues, et quelques bonnes surprises aussi sur ce peuple qui a largement émigré en Amérique - dont Montréal. Mais ce qui m’a saisi, ce sont ses méditations, comiques, humaines, sur la mortalité, sur le deuil, sur l’oubli. L’homme est particulièrement bien placé pour aborder ces thèmes.

La question s’impose : sa poésie est-elle le fruit de sa fréquentation de la mort, de son métier ? Lynch est catégorique : il a toujours voulu écrire, il est né écrivain, si cela est possible, mais il est né aussi dans une famille où le métier est tout tracé d’avance. Soit. William Carlos Williams était médecin - et poète. Pablo Neruda était diplomate - et poète. Alors, pourquoi pas écrivain et croque-mort ?...

Je suis prêt à parier que la foule aurait été moins nombreuse si les organisateurs de la soirée n’avaient pas fait savoir que les écrits de M. Lynch sont à l’origine de la série télévisée Six Feet Under. C’était pourtant un vendredi soir, peu propice pour ce genre d’événement, mais la salle était comble, venue écouter un poète qui médite en prose et en poésie sur les énigmes de la mortalité. La télé fait des merveilles, parfois.

Lynch évite le cliché, tout ce qui est facile ; on a pris l’habitude de rire de l’industrie de la mort. Lynch y découvre, lui, de la tendresse, la révélation soudaine de l’humain à la faveur d’un passage difficile. Et cet homme est sans peur. Il termine un de ses livres en donnant des instructions détaillées sur ses propres funérailles. C’est un poème en prose sans égal.

Le festival littéraire du Metropolis bleu a invité Lynch avec la collaboration de l’Université Concordia. Retenez ce nom : Metropolis bleu. Le festival aura lieu début avril, à Montréal. Je n’avais jamais entendu parler de Thomas Lynch. Je ne sais pas comment le Metropolis bleu lui a mis la main dessus. Mais s’il s’y trouve d’autres talents de ce calibre, le festival pourrait changer votre vie. Pour le mieux. Un écrivain qui regarde la mort en face tous les jours, ce n’est pas rien.


8e Festival littéraire international de Montréal Metropolis bleu, du 5 au 9 avril 2006. www.blue-met-bleu.com

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