Condelezza Rice a effectué tout récemment une visite éclaire (pour des raisons de sécurité) en Irak. Depuis le début du deuxième mandat de George W. Bush, les sondages montrent que le taux de soutien à la guerre en Irak de la part de la population américaine est à la baisse (41 %, lors du dernier sondage). Des rapports, émis par le Pentagone, indiquent que le moral des troupes est au plus bas, que les commandants sur le terrain hurlent leur manque de matériel et que la rotation des troupes stagne faute d’effectifs.
Depuis que madame Rice a été nommée secrétaire d’État, celle-ci a tenté, avec un certain succès, de réorienter l’approche de la politique étrangère américaine. Ancienne soviétologue à l’Université de Stanford, elle apparaît plus crédible que George W. Bush dans le domaine de la politique étrangère. Elle contrôle maintenant son département avec une main de fer (pour le malheur des néoconservateurs) et semble vouloir créer une approche plus multilatérale, axée sur une politique de promotion de la démocratie « néolibérale » dans le monde.
Isolée sur le plan international et châtiée sur le plan national, la politique irakienne n’a pas donné les résultats escomptés. C’est pour cette raison que les néoconservateurs ont été écartés du département d’État (à la seule exception de John Bolton qui se rapportera dorénavant directement au président). Cependant, la volonté d’imposer une paix américaine, à saveur néoconservatrice, demeure. C’est seulement la méthode qui a changé.
L’Irak n’ayant plus la cote, le discours de Condelleza Rice utilise dorénavant les récents événements survenus au Liban comme preuve, pour l’ensemble du Moyen-Orient, que leurs interventions sur ce territoire amènent la démocratie. Quant au discours donné par Rice soutenant le gouvernement et le « progrès de l’implantation de la démocratie en Irak », celui-ci n’avait d’autre but que de remonter le moral des troupes, et de rassurer une population qui suit quotidiennement au petit écran la déconfiture américaine en Irak.
Ailleurs au Moyen-Orient
En Égypte, le président Moubarak et son entourage subissent maintenant quelques pressions - surtout économiques - pour que le processus électoral soit démocratisé. La Syrie se fait menacer d’isolement si elle ne suit pas la démarche démocratique entamée au Liban. Et la rencontre entre l’Irak et l’Iran, approuvée par la secrétaire d’État, était un scénario pour légitimer le gouvernement irakien comme seul interlocuteur du peuple irakien. Toutes ces interventions diplomatiques, conçues par elle, sont des messages lancés par les États-Unis, en dépit d’un échec militaire en Irak, de leur détermination à demeurer présents dans la région pour défendre leurs intérêts.
Condelleza Rice, avec la bénédiction de George W., est vite devenue la porte-parole de la nouvelle approche de la politique étrangère américaine. C’est donc dans le but de développer et protéger l’héritage de George W. Bush sur le plan international, que la secrétaire d’État entend créer et de donner une image « wilsonienne » (paix, démocratie et prospérité dans le monde) à la politique étrangère des Éatats-Unis. C’est, semble-t-il, la tactique de la main de fer dans un gant de velours.
La montée de la Chine, de l’Inde, l’unité de l’Europe, la nouvelle alliance des pays du Sud etc., présentent un monde beaucoup plus complexe que du temps de l’Empire romain. L’empire d’aujourd’hui nécessite des alliances en tous genres, d’où la nouvelle approche de madame Rice, prenant pour terrain d’essai le Moyen-Orient.
Personne ne peut être contre la démocratie. Mais la question n’est pas là. Madame Rice, par une approche en apparence plutôt « soft », orchestre une série d’alliances qui convergent vers l’acceptation que les États-Unis soient les seuls à pouvoir créer cette atmosphère démocratique sur notre planète.
Elle a souvent répété que son premier rôle était de défendre et de protéger son ami et son président, George W. Bush. En voulant envelopper la politique étrangère dans une « couverture wilsonienne », Condelleza Rice espère tirer les marrons du feu en Irak, étendre « la démocratie au Moyen-Orient », sauver Bush de sa politique étrangère désastreuse et maintenir l’hégémonie états-unienne face à certains prétendants au titre, telle la Chine.