La politique municipale est rarement envisagée comme permettant des changements significatifs – on l’associe plus facilement à la voirie et à l’entretien des rues qu’à la résolution de problématiques sociales de grande ampleur. Nous estimons toutefois que ce palier de gouvernement présente de nombreux avantages dans une perspective de gauche :
1. La proximité avec les élu.e.s : Un arrondissement municipal couvre un moins grand espace qu’une circonscription provinciale et permet donc un dialogue plus serré entre la population et ses élu.e.s. L’élu.e municipal est donc théoriquement plus en meusre de prendre pleinement en compte les préoccupations et projets de ces concitoyens.
2. La proximité avec le quotidien : Le palier municipal permet de traiter de problèmes touchant directement le quotidien.
3. Le sentiment d’appartenance au quartier : Faire de la politique à échelle humaine et intégrer le plus grand nombre de personnes que possible à notre projet figurent parmi nos objectifs principaux. Le palier municipal permet précisément de rassembler les habitant.e.s du quartier autour de projets communs et de rendre ainsi nos communautés plus fortes et plus attentives aux besoins de tous et toutes.
Nous tenterons d’illustrer le potentiel progressiste du palier municipal en étudiant le cas de Parc-Extension, l’un des quartiers les plus défavorisés de Montréal, et en partageant quelques propositions qui permettraient d’améliorer la vie du quartier et de gagner une base de soutien populaire pour un projet de gauche sur le plus long terme.
Parc-Extension, ses problèmes et comment les affronter
Avec environ 30 000 habitant.e.s et une population composée à 60,5% de personnes issues de l’immigration, Parc-Extension est un quartier en pleine évolution. C’est aussi un lieu où se concentrent de nombreuses problématiques, avec des taux de pauvreté et de chômage parmi les plus élevés sur l’îlei. S’attaquer à ces différentes problématiques nécessite un plan clair et des propositions fortes, qui répondent réellement aux besoins du quartier. La gauche peut contribuer à l’élaboration d’un tel plan et à l’adoption de telles propositions à l’échelle municipale, en consultant les citoyen.ne.s, en visitant les lieux publics et en rencontrant les personnes engagées dans le quartier.
Pour des logements salubres et abordables
Entre 2001 à 2014, le prix moyen des loyers mensuels à Montréal a augmenté de 31% pour les logements de deux chambres et de 38% pour les logements de trois chambres à coucher et plusii. La proportion de ménages consacrant 30% ou plus de leurs revenus au logement dans l’arrondissement de Villeray / Saint-Michel / Parc-Extension dépassait pour sa part les 28% en 2011iii.
De plus, 28% des ménages montréalais ont reporté au moins un problème de salubrité dans leur logement (plomberie défectueuse, moisissures apparentes, infiltrations d’eau), Parc-Extension figurant encore une fois parmi les quartiers les plus touchés par cette problématiqueiv.
L’insalubrité et le prix des loyers sont des phénomènes liés : la hausse des prix des loyers à Montréal depuis le début des années 2000 oblige effectivement de nombreux ménages à demeurer dans des logements détériorés ou insalubres. De plus, les ménages qui dédient une trop grande part de leurs revenus au logement peinent souvent à couvrir leurs autres dépenses, notamment en nourriture et en médicaments, ce qui contribue en retour à la détérioration de leur santé.
Afin d’affronter ces problèmes, nous proposons l’adoption d’un règlement d’inclusion, pour tous les projets de cinq unités et plus, de 20% en logement social et de 20% en logement abordable durable. Nous proposons également la bonifications des programmes d’inspection de la salubrité des logements, afin de faciliter le signalement et l’identification des cas d’insalubrité et réviser le suivi judiciaire afin que les plaintes d’insalubrité soient réellement entendues. Nous défendons aussi la création d’un registre public de données sur l’habitation qui comprendrait la disponibilité des logements accessibles, le prix des loyers et les plaintes et suivis en matière de salubrité.
Pour améliorer la qualité de vie de ce quartier, nous proposons également l’installation de bornes Wi-Fi publics, afin de pallier au manque d’accès à Internet qui concerne la moitié des ménages à Parc-Extension. L’internet constitue une source d’informations essentielle pour connaître les opportunités d’emploi ou stimuler l’implication citoyenne.
Pour un véritable plan de lutte contre la pauvreté et le chômage
La proportion de travailleurs et travailleuses pauvres – soit les personnes dont les revenus annuels de travail ne leur permettent pas de dépasser le seuil de faible revenu – a augmenté de 7,1% au Québec entre 2006 et 2012, passant de 116 820 à 125 820. L’arrondissement de Parc-Extension est particulièrement touché par cette réalité, avec une proportion de travailleurs et travailleuses pauvres évaluée à 30,7% en 2006v. À cette problématique s’ajoute un taux de chômage avoisinant les 15% en 2013 dans l’arrondissement de Parc-Extension, tandis qu’il se situe à 7,5% pour l’ensemble de la provincevi. Parmi les raisons expliquant ce taux de chômage élevé figure, entre autres, la persistance des discriminations ethnoraciales dans l’accès à l’emploi sur l’îlevii.
Faire face aux problèmes de chômage et de travail pauvre dans Parc-Extension suppose d’augmenter l’offre d’emplois de qualité dans le quartier. Dans cette optique, nous proposons d’utiliser le pouvoir d’achat de la Ville et de notre arrondissement afin de soutenir la création d’emplois de qualité et le développement social de Parc-Extension. Nous appuyons l’adoption du salaire minimum à 15$ de l’heure pour l’ensemble des personnes dont l’emploi résulte de l’octroi de contrats par la Ville ou l’arrondissement. Il faudrait également élaborer un plan de lutte contre la pauvreté adapté au quartier.
Nous sommes également favorables à une extension des Programmes d’Accès à l’Égalité en Emploi (PAÉE) afin que la fonction publique municipale, ainsi que les organismes et entreprises privées recevant des contrats octroyés par la Ville, embauchent davantage de personnes issues de minorités ethnoculturelles et luttent ainsi plus efficacement contre les discriminations ethnoraciales à l’emploi.
Pour des pouvoirs publics qui répondent aux besoins et demandes de la population
Un rapport paru en 2009 indiquait que le profilage racial est une problématique sérieuse à Montréal et une source de méfiance à l’endroit du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) chez les communautés issues de l’immigrationviii. Cette méfiance nuit à la collaboration entre les citoyen.ne.s et les forces de l’ordre dans la résolution de problèmes sociaux les concernant (criminalité, insécurité dans les rues, etc.).
Afin de s’assurer que les pouvoirs publics soient réellement à l’écoute de la population, nous proposons d’améliorer la transparence et l’imputabilité du SPVM, en redonnant aux citoyen.ne.s le droit de participer aux consultations mensuelles du SPVM.
Afin d’encourager une collaboration plus étroite entre les habitant.e.s de Parc-Extension et les pouvoirs publics, les élu-e-s devraient aussi s’engager à promouvoir les compétences des conseils d’arrondissement, en accordant une part de leur budget aux initiatives qui seront proposées directement par les habitant.e.s et organismes du quartier durant ces instances.
Changer la politique municipale pour se réapproprier le quartier et la ville
Nous avons cherché à démontrer, à travers ces quelques propositions pour Parc-Extension, que la politique municipale est porteuse de changement et peut contribuer à l’établissement de solidarités durables entre les habitant.e.s d’un même quartier. Investir le municipal peut ainsi contribuer à l’amélioration de nos conditions de vie, à la défense de nos droits et au développement d’une ville qui soit véritablement au service de tous et toutes. Il n’en tient à nous de saisir cette opportunité de faire avancer notre cause et de défendre nos revendications.