Les Américains sont inquiets. L’économie est en chute libre. Quatre millions de familles de la classe moyenne ont perdu leurs maisons. Des quartiers entiers dans des villes comme Buffalo sont déserts et ressemblent plutôt à des zones de guerre. Des fleurons de l’industrie comme GM perdent de l’argent et mettent à pied leurs employés. Le prix de l’essence augmente. Les coûts des soins de santé explosent. Des guerres, impopulaires, en Irak et en Afghanistan, perdurent sans solutions à l’horizon. Qui de McCain ou d’Obama saura gagner la confiance des électeurs ?
McCain émule de Reagan
Le candidat républicain, John McCain, se présente comme un adversaire de l’administration Bush. Le sénateur de l’Arizona déteste personnellement les néoconservateurs. Il se veut une réincarnation de Ronald Reagan, même s’il prône la continuité de la politique de Bush en politique intérieure et internationale. Ardent défenseur du conservatisme à la Barry Goldwater, son mentor idéologique, McCain est un héros de la guerre du Vietnam qui, comme ceux de sa génération, croit que les États-Unis ont l’obligation d’utiliser la force pour imposer la paix. Tout ceci sous le couvert du concept de sécurité nationale. McCain est parmi ceux qui sont prêts à bombarder l’Iran et à demeurer 100 ans en Irak s’il le faut.
Évidemment, pour résoudre la crise économique, sa réponse, en bon néolibéral, est le laisser-faire, ce qui signifie aucune ingérence de l’État. D’ailleurs, McCain était contre l’injection des 250 milliards par Washington pour sauver les maisons de prêts hypothécaires Fannie Mae et Fannie Mac. La solution de John McCain ressemble beaucoup à l’approche de Reagan : baisser les impôts pour les riches. Les positions de McCain reflètent celle d’une génération qui ne voit pas que les États-Unis et le monde ont changé. Une génération qui voyait et voit encore son pays comme étant hégémonique, unilatéral et la seule puissance économique et militaire mondiale.
Obama, porteur de changement ?
Le jeune sénateur afro-américain de l’Illinois, Barack Obama, n’est pas de cette vieille génération qui contrôle Washington. Le démocrate de 46 ans propose l’espoir et une nouvelle vision de la politique (ni de droite ni de gauche). Comme Franklin Delano Roosevelt avec son New Deal durant la grande dépression, et Bobby Kennedy, qui incarnait une jeunesse pleine d’espoir en 1968, il veut donner une nouvelle direction au pays.
Mais il ne faut pas s’attendre à une révolution sociale de la part de Barack Obama. La gauche américaine menée par les revues comme Mother Jones ou The Nation l’appuie, mais demeure critique à son égard.
Obama est contre une ingérence marquée de l’État dans l’économie, mais il ne prône pas non plus un laisser-faire complet du marché. L’État doit être un instrument pour stimuler l’économie afin que chaque Américain puisse en bénéficier tout en suivant les règles du marché.
Un très bon exemple est sa position concernant la santé. Il veut un régime universel de santé. L’État, en adoptant certaines lois, forcerait les entreprises à offrir à leurs employés un programme de soins et exigerait aussi des compagnies d’assurance d’abaisser leurs primes. Le programme serait par contre géré par le privé.
En politique étrangère, Obama veut retourner à une approche wilsonienne (le multilatéralisme), mais toujours en assurant l’hégémonie des États-Unis. Il met l’accent sur la diplomatie, les alliances durables et le rôle d’institutions multilatérales comme l’ONU et l’OTAN. Toutefois, il devra composer avec les néoconservateurs, qui ont investi depuis 25 ans le Département d’État et qui sont aussi présents au sein du Parti démocrate. Il devra également manœuvrer dans la jungle de Washington, dominée par des think tanks de droite qui influencent les élus.
Sa position face à Israël est la même que celle de son adversaire et de ceux qui ont dirigé la Maison-Blanche. Quant à l’Irak, le candidat démocrate préconise un début de retrait des troupes dans un an et demi environ. Mais il demeure vague concernant la présence de soldats américains dans ce pays à plus long terme.
Alors, pourquoi cet engouement pour la candidature de Barack Obama ? Les Américains se cherchent. Ils sont fatigués de la guerre. L’avenir économique de leurs enfants les préoccupe. Ils ne veulent pas nécessairement un sauveur, mais le démocrate représente ce que les Américains ont besoin en ce moment dans leur histoire. Un président qui annonce un espoir, une possibilité de changement (si petit soit-il).
Est-ce que Barack Obama est porteur de changement ? Il est trop tôt pour l’affirmer. Mais il est certain que cette lueur d’espoir réanime la jeunesse, les Noirs, les hispanophones, la classe moyenne, les syndicats et les femmes. En 1968, à la convention du Parti démocrate à Chicago, les manifestants à l’extérieur scandaient « the whole world is watching » (le monde entier regarde). Même chose en 2008 avec Barack Obama : The whole world is watching.