Ainsi, en dépit de ses prétentions dignes de la grenouille d’une certaine fable, l’infâme Saddam Hussein n’a pas fait long feu sous les assauts de la coalition américano-britannique. Aujourd’hui, avec l’orgueil des vainqueurs dont la force fait la raison, les Alliés se réservent le droit de gérer la « reconstruction » de cet État désorganisé et, reconnaissons-le, mûr pour ce fondamentalisme islamique qui n’augure rien de bon pour la suite de l’histoire.
À Washington et à Londres, où l’on s’est congratulé avec indécence de ce triomphe sans gloire, aussi aisé que prévisible (après tout, que pouvait une armée du Tiers-monde contre les troupes d’Uncle Sam et de ses laquais britanniques ?), on ne se cache plus trop pour admettre qu’il est bien improbable de trouver en Irak ces armes de destruction massive que l’on n’avait pourtant pas cessé d’invoquer comme prétexte à cette croisade sacro-pétrolière…
De part et d’autre, la presse n’a pas manqué de faire écho à ces critiques qui reprochent aujourd’hui aux coalisés d’avoir trafiqué les preuves présumées accablantes présentées devant le Conseil de sécurité, d’avoir sciemment exagéré les liens entre le méprisable Hussein et les insaisissables spectres d’Al-Qaïda. De Tony Blair, dont la majeure partie des députés travaillistes s’opposaient à l’intervention sans l’aval du Conseil de sécurité, on peut dire qu’il a joué sinon sa carrière politique, au moins sa respectabilité. De George W. Bush, dont on connaissait la perfidie depuis l’accession on-ne-peut-plus irrégulière au pouvoir, on n’attendait rien de mieux que ce à quoi la tradition républicaine nous a habitués.
Et alors, l’important n’est-il pas d’avoir mis fin à un quart de siècle de dictature sanguinaire ? rétorquent ces objecteurs de conscience qui s’accommodent fort bien que l’on bafoue les règles du droit international en autant que ce soit pour une bonne cause (et qui oseraient nier que la mainmise américano-britannique sur la deuxième plus importante réserve de pétrole au monde en soit une, bonne cause ?).
Je le répète à l’intention de ceux et celles d’entre vous qui me croient atteint d’antiaméricanisme primaire, je n’étais pas insensible au drame des Irakiens, si semblable à celui de mes compatriotes haïtiens sous Duvalier. Seulement, je m’interroge sur les circonstances de la chute de Bagdad, qui confirment notre entrée en une ère où arbitraire et mensonge peuvent être légitimés par la force.
L’hypocrisie, le mensonge, seraient-ils des vertus ?
C’est ce que nous retiendrons des déclarations de Bush, Powell et consorts devant les Nations unies. Oh, mais elle n’est pas neuve, la leçon : on n’a qu’à se souvenir de Reagan à l’heure de l’Irangate. On n’a qu’à se souvenir de Nixon et de son sbire nobélisé, le sinistre Henry Kissinger.
Ou, dans une mesure plus insignifiante, on n’a qu’à se souvenir de Jean Charest, au premier rang lors des obsèques de Pierre Bourgault.
Stanley Péan, billetiste, journal Alternatives