Cent ans après l’achèvement des écluses du canal de Panama, celles-ci ne sont plus assez larges pour accueillir tous les navires, et ne seront bientôt plus en mesure de supporter tout le trafic quotidien. C’est pour ces raisons que la Autoridad del Canal de Panamà (ACP), l’agence gouvernementale responsable de son administration et de ses opérations, étudie la possibilité de construire une nouvelle série d’écluses.
L’agrandissement du canal est jugé essentiel par l’ACP afin qu’il demeure compétitif et qu’il continue à alimenter la croissance économique du Panama. Mais comme il s’agit d’un canal d’eau douce, l’approvisionnement des nouvelles écluses dépend totalement du lac Gatun. Lequel sert également à fournir en eau potable les nombreux Panaméens de la région. L’augmentation de l’achalandage sur le canal augmentera d’autant plus la pression sur le lac Gatun qui n’a pas les réserves suffisantes pour alimenter à la fois de nouvelles écluses et la demande croissante de la population.
Or, en plus de la construction d’écluses géantes, l’élargissement du canal suppose aussi la construction d’un nouveau barrage sur la rivière Indio. Lequel devrait entraîner le déplacement de la majorité des 3 500 personnes habitant la région, en raison de l’inondation des terres que cela provoquera. Également au programme : déforestation et excavation massive des terres, les impacts environnementaux considérables qui ne seront pas sans conséquences sur les populations.
C’est pour cette question qu’une organisation de paysans, la Coordinadora Campesina Contra las Embalses (CCCE) s’oppose à la construction du nouveau barrage. Le CCE a organisé plusieurs manifestations dans les villes de Colon et de Panama, clamant que l’ACP a été jusqu’à présent incapable d’informer la population du moindre détail touchant le nouveau barrage et ses impacts.
L’avenir inquiète les campesinos. Ils soutiennent qu’il n’y a plus une seule parcelle de terre disponible pour accueillir la population déplacée. Bien que conscients que la région a besoin de développer son potentiel économique, les paysans sont sceptiques quant aux bénéfices du projet. Ils ne veulent surtout pas perdre leurs terres, dont ils tirent leur subsistance.
De son côté, l’ACP soutient que la construction du barrage est nécessaire, qu’il fera preuve de transparence, qu’il consultera la population, et qu’une croissance des revenus générés par le canal pourrait à long terme servir au développement socio-économique des régions rurales. L’ACP fait également valoir que cette phase de construction fournirait de l’emploi aux paysans.
La proposition d’élargissement du canal de Panama présente de formidables défis qui auront un impact sur le développement futur du Panama et la durabilité de son environnement. Perçu uniquement comme une stratégie de développement économique, le projet soulève différentes questions, comme celle de savoir s’il s’agit de la stratégie la plus appropriée - une question sur laquelle la Panama Canal Authority devrait se pencher.
L’élargissement du canal pourrait représenter une opportunité pour le Panama de régler sa dette envers les populations les plus déshéritées du pays ; mais il pourrait également contribuer à accroître leur marginalisation et leur pauvreté.
Parallèlement, l’environnement pourrait être amélioré, en autant qu’il y ait une stratégie de conservation et d’amélioration de la qualité de l’eau. Autrement, l’importante dégradation environnementale à laquelle est confrontée la région pourrait davantage s’aggraver.
L’élargissement du canal de Panama est peut-être la décision la plus importante du siècle pour les habitants du Panama, tout comme la construction a profondément marqué l’histoire du XXe siècle.