Les pages économiques des médias nous ont offert une surprise de taille au cours du dernier mois. Le Fonds monétaire international, le vénérable FMI, l’oracle de la finance internationale, a demandé de taxer les riches ! Inquiet d’une dette qui n’en finit plus de croître dans les différents pays, le FMI a dû admettre qu’on n’en peut plus de siphonner sans relâche l’argent des pauvres.
Ce qui relève du gros bon sens, ce qui a été répété sans fin par le mouvement altermondialiste, devient quasiment un aveu inespéré de la part du FMI. Le chantre des baisses d’impôts, des privatisations, de la déréglementation serait-il en voie de guérison ?
Nous n’en sommes d’ailleurs pas à notre première surprise. Le FMI a reconnu la faisabilité, et, du bout des lèvres, l’utilité d’une taxe sur les transactions financières. Il a blâmé la sévérité des plans d’austérité en Europe et demandé aux gouvernements d’y aller un peu plus doucement.
Le voilà donc à s’inquiéter de l’accaparement de la richesse par une minorité et à faire une sortie publique sur la question. Il s’appuie sur un texte savant rempli de schémas et de tableaux, intitulé Taxing Time, qui en appelle à réformer la fiscalité. Faut-il désormais considérer le FMI comme un allié, un ogre réformé, qui forcera les chefs d’États à distribuer un peu mieux la richesse ?
Un retour dans le passé s’impose. Personne ne doit oublier la cruauté sournoise des plans d’ajustement structurel du FMI, les millions, sinon les milliards de personnes, qui ont souffert dans le but de permettre aux riches financiers du Nord d’avoir toujours plus d’argent. Personne ne doit oublier l’indifférence et le cynisme avec lesquels le FMI a laissé se dégrader les systèmes de santé, d’éducation et l’aide sociale dans de nombreux pays.
On doit se rappeler toutes les mauvaises décisions du FMI, le nombre incalculable de fois où il s’est trompé, alors que ses recettes amplifiaient le mal. En fait, le FMI s’est trompé si souvent, ses politiques ont donné si peu de bons résultats, ont mené à tant de catastrophes, que sa crédibilité s’est réduite à rien.
Il lui fallait donc trouver quelque chose, vite, pour rétablir sa réputation. Pourquoi ne pas se donner le beau rôle pour une fois ? La solution : prôner quelques idées progressistes que les États n’adopteront pas, justement parce qu’il ont gobé, au point d’en être intoxiqués, les idées défendues par le FMI depuis des lustres.
On ne peut s’empêcher de se dire que c’est trop peu et trop tard. D’autant plus que si on gratte un peu, on voit que le naturel revient au galop. Selon Thibault Le Berre du magazine Marianne, « Le FMI prône toujours le redressement des comptes publics en augmentant la durée d’activités des salariés pour obtenir une retraite ou encore flexibiliser davantage le droit du travail. » Pour la zone Euro, le FMI propose une taxe régressive de 10% sur le capital des ménages. En fait de moyen de taxer les riches, on a connu pas mal mieux !
Soyons tout de même bons joueurs : reconnaissons une certaine audace au FMI. À partir de maintenant, on pourra dire par exemple : même le FMI appelle à une meilleure distribution de la richesse ! Et mettre en contradiction tous ceux qui prôneront le contraire, y compris le FMI lui-même. Ce qui est bien peu hélas. Il en faudra beaucoup plus pour nous convaincre de la pertinence de cette organisation.