Les principaux partis politiques fédéraux demeurent muets en campagne sur les questions internationales et le rôle du Canada dans le monde. Or, convaincus que le leadership du Canada est essentiel à l’échelle mondiale, particulièrement en matière de coopération et de développement, les organisations de coopération internationale et leurs milliers de partisans au Canada invitent les partis à expliquer leurs programmes sur ces questions.
Le Canada a joué un rôle crucial pour que la société civile soit partie prenante du processus lié à la Déclaration de Paris de 2005, qui a fait l’objet d’une grande rencontre internationale à Accra au Ghana au début septembre. Lors de ce forum, les pays du Nord et du Sud se sont rencontrés pour améliorer l’efficacité de l’aide internationale afin d’éliminer la pauvreté. Malgré cela, des organisations de tous les pays oeuvrant en coopération internationale, des syndicats, des groupes de femmes et d’autres mouvements sociaux dénoncent toujours certaines mesures préconisées, ainsi que la lenteur de pays donateurs à changer leurs pratiques.
Ces groupes de la société civile, dont Alternatives fait partie, estiment que la lutte contre la pauvreté est plombée par des pratiques que le Canada doit contribuer à changer.
Premièrement, l’aide internationale sera toujours plus efficace si elle répond avant tout aux priorités exprimées par les populations du Sud. Encore trop souvent, les ressources sont accordées en fonction d’objectifs identifiés par les pays donateurs, ou carrément pour servir leurs propres intérêts. De plus, la mise en place de ces mesures est assujettie à des conditions faisant que la gestion ou l’achat de biens dans le cadre de ces programmes sont obligatoirement effectués au Nord. Il en résulte que jusqu’à 80 % des sommes dépensées restent parfois dans les pays développés. Les populations locales ne sont ainsi pas du tout engagées dans les projets. Dans le cas de prêts, il leur reste aussi une importante dette générée par à ce genre d’entente !
Les résultats sont alors catastrophiques : non seulement rien n’est réglé, mais la dépendance et la vulnérabilité de certaines populations sont renforcées.
Deuxièmement, le financement de l’aide devrait être plus transparent et prévisible. L’argent pour la réduction de la dette et pour l’achat d’armes ou d’autres produits qui ne permettent pas un développement social ou économique local ne devrait pas être considéré comme de l’aide au développement. Il est également essentiel de cesser d’agir dans une optique à court terme. 80 % des sommes dépensées en développement devraient couvrir des périodes de 3 à 5 ans. Pour les organisations de la société civile, ces conditionnalités sont souvent plus contraignantes parce qu’une partie non négligeable des projets ont une durée de vie d’un an !
Troisièmement, l’aide, jugée selon l’approche de gestion par résultat, ne doit pas être évaluée seulement sur des chiffres. Le respect des droits humains, l’égalité entre les hommes et les femmes, le travail décent et la protection de l’environnement sont difficiles à percevoir dans un exercice comptable, même s’ils constituent des objectifs absolument essentiels. C’est en les atteignant que les populations du Sud sont en mesure de prendre en main leur développement. Or, certains projets économiques, qui semblent rentables sur papier, vont à l’encontre d’objectifs de construction de sociétés durables. Par conséquent, une définition plus humaine est nécessaire dans la définition de l’aide.
Finalement, l’aide doit reposer davantage sur la société civile, au Nord comme au Sud. Ces organisations sont trop souvent reléguées au wagon de queue au profit du financement des grandes institutions internationales de l’ONU. Près du terrain, les ONG doivent rendre des comptes détaillés à leur gouvernement, ce qui n’est pas le cas des bureaucraties des institutions multilatérales.
Le Canada peut faire mieux
Le Canada est un de ceux qui réussit le mieux à éviter ces écueils. Une bonne partie de l’aide canadienne est accordée à des pays qui n’ont pas une importante valeur géostratégique. De plus, Ottawa impose moins de conditions par rapport à des pays comme les États-Unis ou le Japon.
Malgré tout, il n’y a pas de quoi se vanter. Une trop grande partie de l’aide canadienne est dépensée ici ou à travers des institutions, comme l’armée dans le cas de l’Afghanistan, qui n’ont pas les compétences pour inclure les populations locales dans les plans de développement. De plus, en s’alignant sur la Banque mondiale et en prônant des politiques de libéralisation économique tous azimuts, Ottawa contribue à fragiliser les pays du Sud. La crise alimentaire a bien montré que cette approche peut avoir des conséquences catastrophiques.
Le Canada fait aussi piètre figure en ce qui concerne le financement qui n’est pas assez stable et nettement insuffisant. De 2006 à 2007, le montant d’aide des pays du Nord est passé de 0,31 % à 0,28 % de leur PNB, le Canada se classant ainsi 15e avec 0,28 % de son PNB en aide publique au développement. Pourtant, le fédéral a promis à maintes reprises de consacrer 0,7 % du PNB pour le développement.
L’urgence d’agir est facile à démontrer : 1,4 milliard de personnes vivent avec moins 1,25 $ par jour, et la hausse du prix des denrées alimentaires et de l’énergie favorise davantage la misère.
Le Canada doit donner l’exemple. Pourquoi ne pas commencer par hausser l’aide au pays qui en ont le plus besoin ?