Le secrétaire exécutif du Réseau d’éducation civique congolais, Pascal Rukengwa, ne mâche pas ses mots : « Ce n’est pas la démocratie qui intéresse les États-Unis, c’est le pétrole . Ils se fichent bien que Saddam Hussein soit un dictateur. L’exemple du Congo est éloquent : les Américains ont soutenu Mobutu [président de la RDC jusqu’en 1997] . Et après tout, Saddam est aussi un produit américain. » Selon lui, le peuple irakien a déjà trop souffert et la guerre n’est pas la solution.
Le directeur du Centre national d’appui au développement, Baudoin Hamuli, partage cette opinion. « Je ne suis pas solidaire avec la dictature, le terrorisme ou le totalitarisme. Mais je suis solidaire avec le peuple irakien. Au Congo, nous avons déjà eu trop de morts. Tout ça doit cesser. » M. Hamuli estime que les Américains auraient pu éviter cette guerre ; Saddam Hussein aurait pu être déloger par des voies démocratiques. « Chasser Hussein est-il un problème ? Qu’on finance pendant cinq ans l’ensemble du mouvement politique irakien, qu’on finance la presse irakienne, la société civile irakienne et vous verrez la démocratie naître dans ce pays. » Il trouve révoltante la somme offerte à la Turquie pour le passage des troupes américaines sur son territoire et croit qu’avec beaucoup moins, on aurait pu construire une démocratie et prévenir le terrorisme.
Le déclenchement de la guerre aura l’effet inverse, craint le secrétaire exécutif du Conseil national des organisations non gouvernementales de développement, Félicien Malanda. « Cette guerre risque d’exacerber le sentiment antiaméricain et d’avoir de lourdes conséquences pour l’ensemble de la planète. Il est vrai que l’Irak ne fait pas le poids devant les États-Unis, mais la guerre pourrait donner naissance à d’autres Oussama Ben Laden, ce qui menacerait la paix mondiale. » Il croit également que la guerre menée par George Bush n’a aucune légitimité.
« Cela donne l’impression que cette guerre est le fait d’un individu, Bush, ou d’un petit groupe, qui veut l’extrapoler à toute la planète. Cette guerre aurait pu être évitée si le monde était réellement dirigé par tous les pays qui se disent membres des Nations unies. »
Les Congolais se demandent également ce qu’il adviendra du Dialogue InterCongolais (voir article ci-contre), dont la clôture est prévue pour le 2 avril prochain. Avec toute l’attention de la communauté internationale tournée vers l’Irak, l’on craint une reprise des affrontements dans l’est de la RDC et l’échec du passage à la transition démocratique.