Le scrutin proportionnel constitue une forme concrète d’achèvement de nos idéaux démocratiques. En faisant en sorte que chaque vote compte, il incite fortement les citoyens à s’intéresser à la chose politique.
En obtenant qu’une commission consulte la population sur la réforme du mode de scrutin, le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) a réussi à faire réinscrire à l’agenda de l’Assemblée nationale un sujet qui en a été banni ces dernières 17 années. Malgré ce premier succès, cette coalition citoyenne non partisane est consciente que la campagne qu’elle vient d’entreprendre pour obtenir l’instauration du scrutin proportionnel sera longue et ardue.
Car en laissant savoir qu’il ne pourrait y avoir de scrutin proportionnel sans une réforme en bloc de nos institutions politiques, le nouveau ministre responsable de la Réforme électorale et de la Réforme parlementaire, Jean-Pierre Charbonneau, a indiqué que le gouvernement péquiste était prêt à renvoyer de nouveau aux calendres grecques la réforme prioritaire du mode de scrutin.
Respect des engagements
La feuille de route du Parti québécois en matière de réforme du mode de scrutin est loin d’être rassurante. Il n’a respecté aucun des engagements qu’il a pris depuis 30 ans. Rappelons qu’à la veille des élections de 1976 et de 1994, son programme comportait l’engagement d’effectuer la réforme du mode de scrutin dans l’année suivant la prise du pouvoir. Les deux fois, cela a été cavalièrement mis de côté.
On se souvient aussi qu’à la suite des élections de 1981, le gouvernement Lévesque s’était engagé à réaliser la réforme dans les mois suivants. Il pouvait alors compter sur l’appui des libéraux dirigés par Claude Ryan. Après maintes tergiversations, l’Assemblée nationale avait donné mandat à la Commission de la représentation électorale, en l983, de consulter la population. Cette dernière présenta, en 1984, un rapport préconisant l’adoption d’un mode de scrutin proportionnel fidèle aux vœux de la majorité des centaines d’organismes et personnes qui avaient fait connaître leur point de vue. Le premier ministre Lévesque prépara alors un projet de loi s’inspirant de ce rapport ; mais ce dernier fut bloqué par le caucus qui trouvait le scrutin majoritaire « démocratiquement infect ».
Quant au prédécesseur de M. Charbonneau, Guy Chevrette, il se montra d’abord soucieux de respecter l’engagement de son parti et annonça, en novembre 1997, qu’il présenterait un projet de réforme en mai 1998. Survint, entre-temps, la volte-face du gouvernement Bouchard qui décida de reporter la réforme après l’accession du Québec à la souveraineté et fit modifier le programme du parti en conséquence. Après que les péquistes eurent été réélus, grâce à un renversement de la volonté populaire en novembre1998, obtenant moins de votes que les libéraux, M. Chevrette changea carrément son fusil d’épaule. Il décréta, en janvier 1999, que la population « n’était pas mûre » pour l’instauration du scrutin proportionnel ajoutant qu’à son avis, le scrutin majoritaire demeure « le moins pire des systèmes ».
Pourtant, au lendemain des élections de 1966, où l’Union nationale avait défait le Parti libéral grâce à un tel renversement de la volonté populaire, René Lévesque avait décrit le phénomène comme un « sabotage officiel et extrêmement pernicieux des fondements de la démocratie politique ». Alors, comment expliquer que les péquistes souhaitent se faire réélire dans les mêmes conditions, sinon par le fait que ce parti, devenu complètement opportuniste, a trahi ses convictions démocratiques ?
Quant au Parti libéral, à part le court intermède qu’a constitué la chefferie de Claude Ryan et l’adoption d’une résolution préconisant l’instauration d’une timide proportionnelle compensatoire en mai 2001, il s’est toujours distingué par son appui au statu quo dont Robert Bourassa a d’ailleurs été l’un des plus fidèles défenseurs.
Référendum
Comme il y aura vraisemblablement des élections avant la mise en œuvre du rapport de la commission sur la réforme du mode de scrutin, des observateurs suggèrent que le PQ et le Parti libéral prennent l’engagement, s’ils sont élus, d’accorder priorité au dossier. Mais à la lumière de l’expérience des trois dernières décennies, qui serait assez naïf pour croire à de telles promesses électorales ?
C’est pourquoi il semble essentiel que le sujet fasse l’objet d’un référendum. Ainsi, le gouvernement élu, qu’il soit péquiste ou libéral, ne pourrait se soustraire à l’obligation de matérialiser la réforme si le « oui » l’emportait.