Ce sont les mères monoparentales qui sont les premières victimes de la pauvreté, et par le fait même, leurs enfants. Les études réalisées dans les années 1990, dans le cadre des Nations unies, démontraient qu’« au Canada, en Australie et aux États-Unis, plus de la moitié des enfants de mères seules vivent au-dessous du seuil de pauvreté ». Dans ce même document des Nations unies portant sur le progrès des nations, on peut lire que « dans d’autres pays [du monde industrialisé], les effets sont tempérés par les politiques gouvernementales. Au Danemark, en Finlande et en Suède, si la proportion d’enfants de mères seules est également importante, moins de 10 % d’entre eux vivent au-dessous du seuil de pauvreté. »
Dans le document de revendications présenté par la Marche mondiale des femmes au gouvernement canadien en septembre 2000, il est souligné qu’une Canadienne sur six est pauvre, que le salaire moyen des femmes ne correspond toujours qu’au deux tiers de celui des hommes, que les autochtones, les immigrantes de couleur et les handicapées sont les plus pauvres d’entre toutes, que 56 % des mères monoparentales vivent dans la pauvreté, et que 49 % des femmes seules âgées de plus de 65 ans vivent dans une situation d’extrême précarité et de dépendance.
Les plus récentes données de l’Institut des statistiques du Québec (ISQ) permettent de constater qu’en 2000, 29,3 % des jeunes familles - dont le ou les parents sont âgés de moins de 25 ans - avaient un faible revenu. De son côté, le Conseil national du bien-être social publiait en 2002 des données confirmant que les familles de mères monoparentales étaient toujours les plus pauvres au pays. Le taux de pauvreté y étant de cinq à six fois plus élevé que pour les autres familles. Selon les plus récentes données de Statistique Canada, 47,6 % des familles monoparentales dirigées par une femme vivent sous le seuil de faible revenu avant impôt, comparativement à 11,4 % pour les familles composées de deux parents.
De la parole à l’action
En 1989, la Chambre des communes à Ottawa adoptait à l’unanimité la résolution de « s’employer à réaliser l’objectif d’éliminer la pauvreté chez les enfants au Canada d’ici l’an 2000 ». Or, force est de constater qu’en 2005 la pauvreté infantile existe toujours d’un bout à l’autre du pays et dans des proportions considérables. En fait, aucune mesure sérieuse n’a été prise par le gouvernement pour atteindre au moins partiellement son objectif. Pourtant, les revendications de la Marche mondiale des femmes 2000 qui, apparemment, ont été entendues d’une oreille distraite par nos dirigeants, allaient en ce sens.
La Campagne 2000 est une coalition pancanadienne regroupant quelque 85 organisations sociales, syndicales et communautaires, dont l’objectif est de faire respecter la résolution de 1989 pour l’élimination de la pauvreté infantile. Dans son rapport de 2003, celle-ci nous apprend « que 1,071 million d’enfants, soit près d’un enfant sur six, souffr[aient] toujours de pauvreté en 2001. Ce pourcentage dépasse le taux de 14,9 %, soit un enfant sur sept, atteint en 1989. » Le Québec est la quatrième province où le taux de pauvreté chez les enfants est le plus élevé. Après le Manitoba, Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. Alors que la moyenne canadienne se situe à 15,6 %, au Québec elle est de 17,8 %.
Toujours plus pauvres
Chez les familles monoparentales dirigées par une femme, « l’écart moyen entre leur revenu et le seuil de pauvreté s’est élargi. Pour se sortir de la pauvreté, il leur faudrait en moyenne une somme supplémentaire de 8 886 dollars [annuellement] », peut-on lire encore dans ce rapport.
Plus troublant, Campagne 2000 constate que depuis 1973 « les causes structurelles de la pauvreté sont demeurées les mêmes : un marché du travail incapable de créer des emplois et de générer des salaires permettant aux parents d’élever leurs enfants dans la dignité, et un système de sécurité du revenu qui n’assure pas un revenu de base suffisant pour protéger les enfants contre les aléas du cycle économique ».
En bout de ligne, que ce soit des organisations de femmes canadiennes, la Marche mondiale des femmes, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) ou encore Campagne 2000, tous les acteurs sociaux s’accordent pour dire qu’il faut plus que la croissance économique pour combattre la pauvreté. Des investissements sociaux sont nécessaires, comme l’ont compris depuis longtemps les pays scandinaves. Cela va de l’octroi de salaires décents à des mesures concrètes dans les secteurs de l’éducation et des garderies, du logement social à la bonification de l’assurance emploi et de la sécurité du revenu.
Au Québec, pour des groupes de femmes comme la FFQ et le Collectif pour un Québec sans pauvreté, la bataille est loin d’être gagnée. L’augmentation des frais de garderie passant de 5 à 7 dollars, le projet de loi 57, ou « Tanguy », de réforme de l’aide sociale, sont deux exemples des politiques mises de l’avant par le gouvernement libéral de Jean Charest, et qui vont dans le sens contraire de la lutte à la pauvreté et d’une plus grande égalité entre les hommes et les femmes.