La répression cible à la fois les corps et les esprits. Depuis Seattle, les policiers ont publiquement menti à de très nombreuses reprises pour ternir l’image des manifestants et justifier la répression à leur égard. Les policiers ont ainsi faussement affirmé que certains manifestants étaient en possession de « cocktails Molotov » (Gênes, etc.), de « bombes » (Washington D.C.) ou de « pistolets » (Montréal) avant de se rétracter discrètement. Dans le cas de Gênes (G8, juillet 2001), les policiers ont même admis en commission d’enquête avoir eux-mêmes placé des cocktails Molotov dans un local militant pour justifier une arrestation particulièrement violente, en pleine nuit, d’une centaine de personnes assoupies. Au Québec, nous avons eu droit au « cocktail Durocher », lorsque le porte-parole de la police d’alors, André Durocher, avait présenté à la télévision des bouteilles en plastique qu’il prétendait être autant de cocktails Molotov. Or, il faut utiliser une bouteille en verre pour qu’un cocktail Molotov explose en touchant sa cible et l’enflamme... Ces « cocktails Durocher » ont pourtant été très efficaces pour « enflammer » l’opinion publique en faveur de l’arrestation de plusieurs centaines de personnes avant même le départ d’une manifestation contre une réunion ministérielle du G8 à Montréal, le 26 avril 2002.
Au Canada, un rapport de la Commission des plaintes contre la GRC, rendu public à la mi-novembre 2003, a rappelé que les policiers avaient déployé une violence « excessive » et « injustifiée » contre les opposants au Sommet des Amériques, à Québec, en avril 2001. Depuis Seattle, de tels rapports officiels s’accumulent, qui démontrent que les policiers commettent des excès vis-à-vis des manifestants altermondialistes. Dans certains cas (Seattle, Gênes), des officiers supérieurs ont été congédiés, façon pratique pour les politiciens d’apaiser les critiques et d’éviter de faire face à leurs responsabilités politiques et légales. Malgré le rapport de la GRC, les mesures disciplinaires se font attendre dans le cas du Sommet des Amériques… Mais la répression ne se limite pas à cet événement, puisqu’il y a eu depuis l’automne 1999, et au Québec seulement, près de 2000 arrestations à caractère politique frappant le mouvement altermondialiste.
Plusieurs militants et militantes ont décidé de tirer avantage - dans la mesure du possible - de leurs démêlés avec la « justice ». Face à des demandes de dépôt de preuves, les divers corps de police ont ainsi dû admettre que des dizaines d’agents infiltraient les manifestations et les organisations militantes. Amir Khadir, ex-candidat de l’Union des forces progressistes (UFP), a pour sa part été sensibilisé à l’enjeu de la répression lorsqu’il a été arrêté avec environ 240 autres personnes paisiblement rassemblées dans un terrain vague à la fin juillet, en marge de la réunion de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Montréal. Aujourd’hui, Khadir et quelques autres intentent une poursuite contre la Ville de Montréal, exigeant plusieurs milliers de dollars de dédommagement. Quelle perte de temps et d’énergie militante... Mais ont-ils le choix, devant l’immobilisme des autorités ?
N.B. : Le 15 mars aura lieu une manifestation à Montréal dans le cadre de la 8e Journée internationale contre la brutalité policière, organisée par la Coalition du 15 mars 2004. Pour plus d’information : (514) 859-9065 ou cobp@hotmail.com.