Dans de telles circonstances, comment faire croire aux citoyens qu’ils exercent leur droit fondamental de participation à la démocratie ? « C’est presque une non-campagne, dans la mesure où il y a peu de lieux où l’on peut connaître les positions des candidats et candidates », affirmait récemment, sur les ondes de CKRL 89,1 dans l’émission Alternatives, Diane Lamoureux, professeure en sciences politiques à l’Université Laval et spécialiste de la démocratie municipale. S’il y a peu de lieux, c’est qu’aucun des partis n’affiche de position sur un enjeu ou un autre.
Mairesse de Sainte-Foy pendant 15 ans, leader défusionniste ayant récemment essuyé un échec, Andrée Boucher en est à sa deuxième tentative pour conquérir le pouvoir dans la capitale. Candidate indépendante, Mme Boucher fait cavalier seule. Ce qui ne l’empêche pas d’être largement en tête dans les sondages. Paradoxe, elle a jusqu’à présent décliné toutes les invitation à rencontrer la population pour s’exprimer sur son programme.
En n’étant pas à l’écoute des préoccupations de la population, comment l’ex-mairesse peut-elle alors prétendre favoriser la démocratie municipale ? se demandent plusieurs observateurs. En retirant les conseils de quartier et en remettant « à la mode les référendums à large portée ainsi que la formule des coupons-réponses dans le journal municipal », écrivait Isabelle Mathieu, dans Le Soleil du 13 octobre, dans un article titré Réingénierie à la sauce Boucher, où étaient rapportés les propos de la candidate.
Inquiétudes
Pourtant, les conseils de quartier apportent une dimension participative à la démocratie qui, à Québec, est principalement représentative (vote une fois tous les quatre ans). Pour le milieu communautaire, associatif et progressiste, les abolir serait une manière de bâillonner les citoyens en leur retirant un espace où ils peuvent s’exprimer sur des enjeux qui les touchent au quotidien. Les référendums représentent également un obstacle à la démocratie puisqu’ils invitent à répondre uniquement par oui ou par non mais excluent toute discussion. Quant aux coupons-réponses, ils ne parviendront pas à tout le monde, puisque nombreuses sont les personnes à ne pas recevoir le journal municipal. Véritablement inquiète, la coalition La Ville que nous voulons, regroupant 32 organisations sociales, entend forcer les candidats à la mairie à se prononcer tant sur cette question que sur l’intention affichée de plusieurs de privatiser certains services. Ils ont ainsi fait parvenir à chacun, vendredi 21 octobre, une série de 21 questions. Les candidats sont invités à répondre soit par écrit, soit lors d’un débat public que la coalition organise à l’ENAP le 1er novembre.
« À Québec, historiquement, le Renouveau municipal de Québec a favorisé les conseils de quartier », remémore Diane Lamoureux. Mais cette année, ajoute l’analyste, aucun des partis n’a fait montre d’une volonté d’élargissement de la démocratie participative, pas même le Renouveau municipal (RMQ), qui demeure silencieux sur ce dossier.
Le chef du RMQ, Claude Larose, qui a dirigé jusqu’en 1998 la Société de transport de la communauté urbaine de Québec (STUCQ), est actuellement en troisième place dans les intentions de vote. De plus en plus, sa campagne, tout comme celles de Marc Bellemare de Vision Québec et de Pierre-Michel Bouchard d’Action civique de Québec, ne semble avoir pour but que de contrer l’avance difficilement rattrapable de Mme Boucher. Aucun véritable programme n’est présenté.
De son côté, le gouvernement Charest a décidé de réagir devant la perplexité des citoyens vis-à-vis d’une campagne qui brille par son absence de contenu et de débats sur des enjeux les concernant. Ce qui ne serait pas l’apanage de la ville de Québec. Nathalie Normandeau, ministre des Affaires municipales, vient donc d’annoncer que le gouvernement provincial investira plusieurs centaines de milliers de dollars dans une vaste campagne publicitaire incitant les gens à aller voter. L’objectif ultime est d’atteindre un taux de participation de 60 %. Ainsi, la participation citoyenne aux élections municipales du 6 novembre au Québec s’évaluera non à la qualité du discours politique ou à la pertinence des enjeux électoraux proposés par les différents candidats, mais bien plutôt à la quantité des votes recensés. Peu importent les grands débats publics, les demandes des citoyens et les enjeux démocratiques.
Les lumières s’éteignent et le rideau tombe sur la scène, comme un couperet.