
« À l’époque, il fallait bien séparer les classes, ennemis et amis. Il n’y avait plus de frères ou de sœurs. Il y avait des camarades ou des ennemis. S’ils étaient face à nous, nous les considérions comme des ennemis. » Pnomh Penh, Monti Santésok S-21 (un centre de détention). Placé directement sous l’autorité du Comité Central, 14 000 personnes ont péri dans ce lieu de détention, torturés et exécutés, pendant le règne des Khmères rouges, entre le 17 avril 1975 et le 7 janvier 1979. Sept prisonniers ont survécu. Pour faire éclater le silence qui perdure toujours, Rithy Panh, cinéaste cambodgien, a confronté pendant trois ans dans un face à face douloureux et bouleversant, sur les lieux même de S-21, trois survivants et leurs anciens tortionnaires. Un survivant introduit ainsi l’exercice : « Je voudrais que chacun d’entre vous - je ne veux pas employer le mot confesser - mais plutôt dire “libérer vos cœurs” pour participer au travail de mémoire. »
Sous forme de dialogues, l’ouvrage révèle les cicatrices d’un pays où anciens prisonniers et tortionnaires vivent silencieusement côte à côte, parfois dans le même village. Un silence que Rithy Panh veut briser. Briser aussi l’oubli collectif, accentué par le non-jugement des têtes dirigeantes vivant toujours impunément dans la campagne cambodgienne.
Ce travail de mémoire pose des questions qui transcendent le seul cas du génocide cambodgien : À qui incombe la responsabilité ? Les exécutants sont-ils seulement coupables d’avoir obéi aux ordres ou portent-ils l’entière responsabilité des crimes commis ?
La puissance de cet ouvrage va au-delà des mots. Franchement bouleversant.