La guerre du Vietnam ? Connais pas ! Cette guerre, qui s’est terminée de façon à la fois spectaculaire et honteuse en 1975, semble être tombée dans un énorme trou noir, bien qu’elle ressemble de plus en plus à la mésaventure en Irak. Le discours politique américain ne semble pas savoir faire de la place au Vietnam.
Bien sûr, le fait de passer un événement sous silence ne veut pas dire que nous n’y pensons pas. Pourtant, les écrivains et les cinéastes ont pu s’exprimer sur le sujet. Le romancier Larry Heinemann (Paco’s Story, 1986), pour n’en mentionner qu’un, y a travaillé avec brio. Des films comme Coming Home (1978), qui a ouvert le bal tant sur le plan politique qu’érotique, ont pénétré les zones grises de cette guerre qui a fait tant de mal aux Vietnamiens, et aussi aux Américains.
À l’école secondaire à Chicago, j’ai appris avec mes compagnons de classe que les États-Unis ont gagné toutes leurs guerres parce qu’elles étaient justes. Est survenu alors le Vietnam, et cette belle assurance est tombée en morceaux.
Lorsqu’une vérité dérange, la meilleure stratégie, c’est le déni. Si nous avons perdu au Vietnam (lisons le « nous » d’une voix ironique si vous le voulez bien…), ce n’est pas parce que la victoire était tout simplement impossible. C’est parce que notre volonté a fléchi. Nous avons manqué de dureté. C’était la position des républicains à l’époque, et cette position n’a pas changé lorsqu’il s’agit d’aborder la guerre en Irak.
Curieusement, la droite n’a pas tout à fait tort. Nous avons manqué de volonté ; nous avons été de piètres soldats au Vietnam. Un soldat qui n’est pas motivé – à part la motivation de survivre – n’est pas un soldat vaillant. Une guerre injuste, loin de chez soi, sans but précis, n’est pas faite pour motiver les soldats.
Vous n’entendrez jamais ce point de vue dans le camp de John McCain. Nous avons manqué de volonté, selon lui, parce que nous avons posé trop de questions sur notre propre engagement. Ce qui mène au doute. Un soldat qui pense n’est pas un bon soldat.
McCain a bâti sa carrière sur son expérience de pilote dans l’armée américaine, et surtout sur ses années de prisonnier de guerre. Drôle d’école pour apprendre la politique. Selon lui, les prisonniers qui ont « craqué » – qui ont cédé aux pressions de leurs geôliers – sont ceux qui ont eu des doutes sur le bien-fondé du combat.
Et d’où vient le doute ? Des médias. Les gestionnaires militaires ont appris leur leçon au Vietnam : il ne faut pas laisser aux journalistes – surtout pas aux photographes et aux caméramans – un libre accès à la guerre, aux victimes, aux bavures, aux cadavres américains. La droite a fait la guerre aux journalistes en les empêchant de couvrir les champs de bataille en Irak. On a créé le embedding, pratique par laquelle le journaliste est « escorté » par des soldats affectés à sa sécurité. L’appareil militaire n’a pas « gagné » la guerre en Irak, mais il a vaincu les journalistes.
Et le Parti démocrate dans tout cela ? Les démocrates ont perdu la bataille du macho, et cette défaite pourrait leur être mortelle en novembre. Les républicains ont pris le terrain belliqueux, le côté macho de ceux qui aiment le combat. L’échec au Vietnam, selon les républicains, c’est la faute des médias, du mouvement contestataire. Éliminons tout ça, et on gagne en Irak. Les démocrates ne peuvent se servir du Vietnam comme d’une leçon antiguerre, car la chute de Saigon en avril 1975 reste un souvenir très douloureux que le pays s’efforce d’oublier.
L’armée américaine, de nos jours, en est une de volontaires, et pas de conscrits, comme à l’époque du Vietnam. On n’est pas enrôlé de force ; on y va de son libre arbitre. Évidemment, si on vit dans la pauvreté et le chômage, l’armée représente la seule issue. On pourrait alors à peine parler de libre arbitre. Mais sans conscription, le mouvement antiguerre perd un de ses atouts.
Je crains le lendemain des prochaines élections présidentielles...