La division du vote

lundi 23 avril 2018, par Claude Vaillancourt

Lorsqu’il est question de la division du vote au Québec, on pense immédiatement au Parti québécois et à Québec solidaire. Les souverainistes et progressistes entreraient nécessairement en conflit et les électeurs, devant choisir l’un ou l’autre parti, dilueraient leur vote et ouvriraient la voie aux fédéralistes néolibéraux. Dans cet affrontement, QS porterait sur ses épaules la responsabilité de cette situation, un peu comme un péché originel. Au point que certains souhaitent même sa disparition.

Il est curieux toutefois que cette hypothèse d’une éventuelle division du vote souverainiste ne trouve pas d’équivalent du côté des fédéralistes. Pourtant, le parti libéral et la CAQ sont beaucoup plus proches l’un de l’autre que le PQ et QS. Ils ont la même vision de l’économie, ils restent attachés au Canada, ils promettent des baisses d’impôt, ils partagent le même préjugé très favorable envers l’entreprise privée, le même préjugé défavorable envers le secteur public.

Ils sont tellement ressemblants que la CAQ a servi de club école aux libéraux. Trois ministres importants de l’équipe libérale sont des anciens caquistes. Et le transfert s’est fait tout naturellement, sans le moindre reniement idéologique de la part des personnes concernées. Si les caquistes sont maintenant en bonne position pour remplacer les libéraux, c’est avec un programme très semblable à celui de leur adversaire.

Par contre, le PQ et QS ont des frontières moins étanches. Il existe une importante animosité entre les deux partis et on y voit peu de transfuges. QS est un opposant beaucoup plus affirmé aux politiques néolibérales, des politiques que le PQ a souvent appliquées, entrainé entre autres par les compromissions nécessaires de l’exercice du pouvoir. L’incapacité de ces deux partis à trouver un terrain d’entente pour les prochaines élections est en partie tributaire de différences plus grandes qu’on pourrait le croire.

Logiquement, la division du vote devrait donc toucher davantage les partis jumeaux que sont la CAQ et les libéraux. Des candidats du PQ et de QS pourraient remporter des victoires surprises, en se glissant entre les deux partis fédéralistes qui se partageraient les électeurs tout en s’affaiblissant. Ou encore, la division du vote affectant également les deux grands blocs électoraux, celui de gauche et de droite, elle diluerait ainsi ses effets et remettrait tout le monde à sa place sur la ligne de départ, avec une équivalente distorsion.

Bien sûr, les choses ne sont pas si simples. Les électeurs ne choisissent pas toujours un parti pour son programme et ses orientations. D’autres facteurs demeurent très importants : la personnalité des chefs, les erreurs et les bons coups pendant la campagne électorale, la répartition géographique des électeurs, l’organisation sur le terrain, le vent qui souffle dans une direction plutôt qu’une autre. Et de façon contradictoire, il semble que les péquistes migrent plus facilement vers les CAQ que les libéraux.

Chose certaine : la prochaine élection pourrait nous réserver davantage de surprises que ne l’annoncent les sondages. Surtout si la campagne électorale permet d’aborder des enjeux fondamentaux et donne l’occasion de réfléchir sur le rôle qu’on veut accorder à l’État. Déjà, il existe une importante contradiction chez les Québécois entre leur désir d’obtenir de meilleurs services publics et leur intention de donner davantage de votes à des partis qui visent à les affaiblir.

Si ces questions sont bel et bien abordées et restent primordiales, des choix conséquents devront se faire. Et la division du vote aurait alors plus de chance de jouer contre les partis austéritaires. Mais il faudra probablement aussi compter, comme toujours, sur de multiples facteurs de distraction pour faire dérailler le tout.

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