La dévo-max : une solution à la question nationale écossaise ?

vendredi 1er juin 2012, par Anne Gabrielle Ducharme

Malgré deux référendums infructueux, le Québec devrait tout de même devenir un pays à force d’user les liens qui le retiennent au Canada. C’est du moins ce qu’a exprimé l’ ex-chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, dans une entrevue accordée à la BBC il y a quelques semaines de cela. Selon lui, l’Écosse fera un jour face au même sort : l’indépendance.

En effet, l’Écosse vit présentement une grande vague nationaliste qui s’est concrétisée en 2007 lors de la première élection du Scottish National Party (SNP). Cette soif d’indépendance est encore plus tangible depuis que le chef du parti nationaliste, Alex Salmond, a annoncé la tenue d’un référendum sur la question nationale en 2014.

Le vote portera sur un éventuel remaniement des pouvoirs plutôt que sur la véritable création d’un État indépendant. Trois choix s’offriront aux citoyens écossais sur le bulletin de vote. Le OUI et le NON ainsi qu’une case inconnue des Québécois, celle de la « devo-max ». À mi-chemin entre les deux camps habituels, la « devo-max » (pour « maximum devolution ») suggère aux Écossais une plus grande dévolution des pouvoirs de Londres vers le parlement écossais. Fiers détenteurs d’un parlement depuis 1999, certains nationalistes écossais seraient donc prêts à se satisfaire d’une plus grande indépendance politique, sans exiger une séparation absolue du Royaume-Uni.

Sachant que cette option existe et que plusieurs Écossais nationalistes la convoitent, ne devrait-on pas repenser le concept d’indépendance ? Un accroissement des pouvoirs est-il le but véritable d’une nation sans État ? Où est passé le romantisme dans l’idée d’indépendance nationale ? Est-ce réellement ce qu’un peuple désire : une plus grande dévolution des pouvoirs pour gérer ses ressources naturelles ? Ces questions sont pertinentes puisqu’elles suggèrent que la souveraineté ne serait pas une question d’argent ni de ressources, mais bien de sentiment d’appartenance.

Bien sûr nous ne vivons pas dans un monde où faire abstraction de l’économie est désirable et encore moins réaliste. Et oui, la simple idée que l’Écosse puisse gérer comme bon lui semble ses ressources pétrolières sans la présence du grand frère Anglais en satisfera plus d’un. Cependant, n’est-ce pas avant tout une culture et un passé commun qu’une nation tente de préserver avec de telles démarches ?

Du déjà-vu ?

Cette « dévo-max » fait étrangement penser aux promesses de fédéralisme renouvelé de Pierre Eliott Trudeau lors du référendum de 1980. Voter pour le NON représentait alors un choix raisonnable pour certains. Le Québec obtient une réponse positive à ses réclamations et reste au sein de la fédération. Pourquoi pas ? Or, le gouvernement libéral canadien de l’époque, en plus de ne pas respecter ses promesses, trahit le Québec la nuit du 4 au 5 novembre 1981, entouré des neuf autres provinces canadiennes.

Bien que dans le cas de l’Écosse, on parle d’un choix clair que le SNP s’engage à faire respecter, des problèmes récurrents risquent d’apparaître sans une dissociation complète. Que fait-on du statut à l’international ? De la conservation du patrimoine ? Du budget accordé à la culture ? Des gouvernements conservateurs majoritaires dans l’ensemble du Royaume-Uni, mais pas en Écosse ? Les partisans et représentants de l’Union blâment en effet le SNP de laisser quelques questions dans l’ombre, notamment la responsabilité de l’Écosse dans le remboursement de la dette publique.

Une divergence non-négligeable

Il existe tout de même un élément important qui distingue la situation du Québec et de l’Écosse. Contrairement au Québec avec le reste du Canada, l’Écosse partage avec l’Angleterre une langue et un passé communs. Ces deux éléments précieusement inscrits dans la définition d’une « nation » viennent changer la donne.

Au fond, l’Écosse pourrait vouloir se dissocier du Royaume-Uni uniquement pour avoir la souveraineté sur ses affaires fiscales, car la réappropriation des ressources naturelles est un sujet chaud en Écosse depuis déjà assez longtemps. Lors d’élections en 1970, des slogans nationalistes tels que « c’est notre pétrole » étaient très populaires.

Fondamentalisme ou réalisme ?

Au Québec, les souverainistes convaincus le sont en grande partie par des arguments romantiques. Pour gagner de l’électorat, les partis souverainistes devraient autrement dit mettre l’accent sur les projets économiques et sociaux que la souveraineté apporteraient à la société québécoise.

La moins grande part de pragmatisme dans la question nationale au Québec serait-elle donc la cause des deux échecs référendaires ?

Ce qui est certain, c’est que la nation québécoise est davantage dans le fondamentalisme que la nation écossaise. L’Écosse, ou du moins le Parti national écossais, se situe plutôt dans le compromis que dans l’absolutisme.
Qui sait, une victoire nationaliste écossaise en 2014 pourrait remettre en question la fédération canadienne et sa division des pouvoirs.
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Crédit photo : Mike Pennington sous license Creative Commons

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