La culture du consensus, à quel prix ?

jeudi 13 décembre 2012, par Jacinthe Leblanc

Pour la nouvelle année, je veux faire part d’un souhait que j’aimerais bien voir exaucer ou du moins, qu’il fasse son bout de chemin dans la pensée des gens, soit la reconnaissance des groupes de base en environnement. Je m’explique.

Lorsqu’il y a tentative ou volonté de s’unir pour réfléchir et diffuser des solutions sur des enjeux environnementaux, ou toute autre lutte politique, évacuer les différentes critiques dans le but de parler d’une seule voix semble une piste dangereuse. La vigilance est de mise.

Plusieurs exemples dans les mouvements sociaux de gauche démontrent qu’aliéner les critiques et les opinions différentes empêche d’atteindre les objectifs. À elles seules, les luttes féministes se sont faites reléguer au second plan trop souvent, brimant ainsi une partie de la diversité d’opinions, au profit de luttes soi-disant plus pressantes, comme les luttes ouvrières et les luttes étudiantes.

La culture du consensus est l’idée selon laquelle, lorsqu’il y a un accord suffisamment grand au sein d’un groupe, des réponses, des croyances et des façons de faire sont assumées comme étant partagées par touTEs, mais cela ne crée pas ou n’explique pas l’existence d’un consensus. Cela peut être néfaste quand les idées dérogeant de la ligne directrice sont censurées.

L’idée de se réunir et discuter est bonne en soi. Là où j’accroche, c’est que de telles initiatives dans les luttes environnementales, comme l’économie verte, ne reconnaissent pas les groupes écologistes, citoyens et autochtones qui travaillent déjà très fort et avec très peu de moyens à la protection et conservation des territoires, de la biodiversité et des ressources naturelles.

Le plus petit dénominateur commun

Cette culture du consensus isole aussi une grande partie de la population. Comment espérer arriver à quelque chose de concluant en nivelant par le bas ? Le plus petit dénominateur commun ne fera pas peur aux industries, aux élites économiques et politiques, simplement parce qu’il ne peut pas être menaçant. Pour régler beaucoup de maux sociétaux et environnementaux, il est nécessaire de changer les systèmes économique et politique. L’économie va mal. Le politique va mal. L’environnement va mal. La société et les gens vont mal. N’est-il pas temps d’arrêter d’apposer des diachylons sur nos bobos et d’entamer l’incontournable chirurgie ?

L’urgence d’agir tout en restant solidaire

L’urgence d’agir apparaît peut-être comme nouvelle aux yeux de certain-e-s. Mais ce sentiment d’urgence ne devrait pas conduire à l’exclusion de certains groupes et de certaines idées. Il faut d’abord et avant tout chercher et apprendre ce qui se fait déjà en matière d’initiatives et d’actions. Une fois les enjeux saisis et la réflexion entamée, il faut aller voir les groupes, demander comment s’impliquer et comment être solidaires à leurs luttes. Les terrains sont déjà labourés. Rien ne sert de réinventer la roue. Travaillons ensemble.

Être solidaire, c’est un art. Il ne faut surtout pas en évacuer les nuances.

La diversité, c’est la clé

Il y a une diversité de groupes, de mouvements et d’idéologies à gauche. Il y a aussi une diversité de tactiques qui est à privilégier et à ne pas dissoudre. Oui, la mouvance écologiste du Québec cherche à mettre des bâtons dans les roues du système économique actuel. C’est normal, le système économique détruit les écosystèmes ! Mais le mouvement écologiste et ses nombreuses tendances offrent aussi plusieurs exemples d’économies alternatives : coopératives, économie solidaire, agroécologie, échanges de services, vie en communauté, etc. Il faut lire et s’informer de ce qui se fait déjà. Rencontrer les militant-e-s sur le terrain qui vivent les luttes au jour le jour. Parler aux gens qui sortent du cadre politique.

Je réitère que je ne suis pas contre l’idée que les gens se regroupent ensemble et discutent des possibilités. Je souligne, par mon expérience, qu’il faut trouver une façon de s’insérer dans les luttes environnementales actuelles, sans en diluer les idées et les critiques. Une coalition ponctuelle où l’on s’entend sur un message commun, d’accord. Mais une structure où les virgules sont mises de côtés et où la liberté d’expression passe proche d’être brimée, je n’embarque pas. L’héroïsme est patriarcal. Et le patriarcat, je n’en veux pas !

Mon souhait pour 2013

Que l’on choisisse de les voir ou de les ignorer, les problèmes environnementaux existent. Pour l’année 2013, je souhaite que la population s’intéresse davantage aux groupes écologistes de base. Ceux et celles qui sont sur le terrain, qui font du bénévolat en plus de leur travail à temps plein la semaine pour arriver à l’émergence d’une société écologique. Je souhaite enfin qu’on reconnaisse leur travail souvent invisible, pris pour acquis ou ignoré. Oui. C’est ça que je veux pour 2013. Une prise de conscience globale et collective sur un travail invisible et sous-financé, mais nécessaire.


Crédit photo : They Lie We Die

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