
Une grand-mère rappelle à sa petite-fille qu’une mante religieuse s’était posée sur sa poitrine, peu après sa naissance. « La vie va te manger », avait-elle prédit.
La vie de la poétesse Lídia do Carmo Ferreira, disparue à Luanda, la capitale angloaise en 1992, sert de prétexte au roman. La poétesse angolaise apparaît comme un point de repère qui permet d’ordonner un chaos, de dire la folie, de comprendre un passé pas si lointain lorsque l’Angola a été déchiré par les idéologies des autres, par un passé marqué par le colonialisme.
C’est le fil conducteur d’un roman écrit comme on tisse une courtepointe. Les chapitres sont autant de jours, de souvenirs, de discussions, de rencontres, de déchirements, d’entrevues avec Lídia do Carmo Ferreira, d’extraits de ses écrits. Les personnages qui se croisent en Europe ou en Angola ont tous une histoire à raconter. Un passé et un présent. Ils rêvent d’un avenir. Le cri de ralliement lancé par un ami de Lídia - « Allons redécouvrir l’Angola ! » - porte en lui les germes de l’indépendance, d’une volonté de réappropriation culturelle. Mais les dissensions idéologiques divisent le peuple, les clivages à la fois ethniques et sociaux s’érigent, les amis deviennent ennemis.
L’auteur, d’origine angolaise, dresse un vibrant portrait de l’histoire récente de l’Angola dans un style qui allie symbolisme mythique, extraits de poèmes ou d’entrevues et, surtout, une écriture réaliste d’une grande intensité.
LA SAISON DES FOUS, de José Eduardo Agualusa, traduit du portuguais (Angola) par Michel Laban, collection Continents Noirs, Gallimard, 2003, 263 pages.
Alexandra Gilbert, journal Alternatives