National

La Course destination autochtone

jeudi 2 novembre 2006, par Ariane LAFRENIÈRE

Depuis juillet dernier, dix jeunes issus de différentes communautés autochtones du Québec parcourent la province, caméra à l’épaule. Âgés de 18 à 25 ans, ces jeunes cinéastes participent au projet de la Course autour de la grande tortue, une initiative de Daniel Bertolino, des productions Via le monde. Huit semaines leur sont accordées pour filmer leur vision de la réalité autochtone. Une opportunité intéressante pour ces personnes vivant dans des communautés qui ont l’habitude d’être présentées de façon négative par les médias.

Grâce au groupe de formateurs mis sur pied par M.Bertolino, les dix participants ont eu deux semaines pour apprendre les techniques de base nécessaires à la réalisation d’un documentaire. L’objectif de cette courte formation est de leur montrer « comment, avec peu de moyens et peu de temps, on peut réussir à faire un film », explique Hyacinthe Combary, formateur principal de cette équipe. Il estime que l’apprentissage d’un médium comme le cinéma signifie également une ouverture sur le monde pour ses jeunes autochtones qui vivent parfois dans des régions très isolées.

Ainsi, tout au long de la réalisation de chacun de leurs courts-métrages, les candidats ont droit à un soutien technique et pédagogique. Les participants doivent concevoir quatre courts documentaires touchant divers sujets reliés aux communautés autochtones, mais également à l’environnement et au Québec. Par exemple, une candidate a choisi de traiter du travail d’un groupe d’intervenantes de la Fédération des femmes autochtones du Québec. La participante Gloria Coocoo a préféré aborder le sujet des coupes à blanc et de la déforestation, un phénomène qu’elle trouve déplorable et qui « change le rythme de vie des communautés et pourrait même causer la mort d’une nation ».

« L’idée est que les candidats fassent des films et apprennent un métier, mais c’était aussi de donner l’opportunité aux jeunes autochtones de parler de leur propre réalité », affirme Hyacinthe Combary. Selon lui, trop souvent les médias québécois véhiculent une image stéréotypée des communautés autochtones, ce qui a évidemment un impact sur le reste de la population. « Ce qui est dommage au Québec, c’est que très peu de personnes connaissent la réalité autochtone », indique-t-il.

Un constat partagé par Sonia Bonspill-Boileau, une des dix candidates : « Quand les médias parlent des communautés autochtones, ils axent surtout sur les problèmes. En plus, moi, je viens de Kanesatake, la communauté dont on parle sûrement le plus négativement au Québec ! » Outre sa passion pour le cinéma, c’est l’envie de partager un point de vue différent sur l’identité autochtone qui l’a poussée à participer à la Course autour de la grande tortue. « Avec les courts-métrages, on peut montrer que ce n’est pas tous les autochtones qui vivent dans la grosse misère », ajoute Sonia Bonspill-Boileau. Selon elle, la Course permet aussi de donner une certaine visibilité aux cinéastes autochtones.

Pour Hyacinthe Combary, originaire du Burkina Faso, la guerre de l’image était perdue dès le départ tant pour les communautés autochtones que pour l’Afrique. « On est entré dans le processus très tard. Maintenant, il faut utiliser l’image pour changer les choses. » La série, qui sera diffusée en janvier à l’antenne d’APTN (Aboriginal Peoples Television Network) et plus tard au Canal D, a donc une fonction éducative non seulement pour les participants, mais également pour la population québécoise qui pourra suivre l’évolution des candidats au cours de 13 épisodes.

La première édition de la Course autour de la grande tortue suscite un engouement considérable chez les communautés autochtones vu le nombre d’inscriptions récoltées. « À la fin, il y avait trop de candidats ! On a dû faire une liste d’attente », confirme Hyacinthe Combary. Le projet se poursuivra en Afrique, alors que les participants iront vivre une expérience de solidarité internationale auprès des partenaires d’Alternatives. L’équipe de Via le monde nourrit l’idée d’en faire un jour une course mondiale pour les autochtones de tous les continents. Mais pour l’instant, formateurs et participants concentrent leur énergie à faire en sorte que la première édition de la course soit menée à bien.

Il n’en demeure pas moins que l’avenir semble prometteur pour la Course autour de la grande tortue. Pourquoi avoir choisi la tortue ? Parce que cet animal est un symbole des territoires québécois, une référence partagée par de nombreuses communautés des Premières Nations. Sonia Bonspill-Boileau n’y voit pas seulement un symbole territorial : « Pour moi c’est aussi un symbole d’unité, comme quoi les communautés autochtones font bel et bien partie du Québec. »


Les 13 épisodes de la Course autour de la grande tortue seront diffusés dès la première semaine de janvier 2007 sur APTN. Une première projection aura lieu le 10 novembre prochain à 17 heures à l’ONF, à l’occasion des Rencontres internationales du documentaire de Montréal.

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