Amina a 9 mois. Elle voyage emmaillotée dans des linges pour que le soleil ne lui brûle pas la peau. Depuis dix jours et neuf nuits, sa mère la serre contre elle de crainte que, avec la fatigue ou un instant de somnolence, le tangage ne la fasse tomber hors du camion. Mariana, 8 ans, est recroquevillée sur les sacs de chanvre avec 150 hommes, femmes et enfants.
Quand il fait nuit et que quelque chose alentour lui fait peur, elle cherche la main de sa petite sœur de 5 ans. Amadou, 3 ans et demi, et Souleyman, 2 ans, ont été séparés de leurs parents, qui font partie d’un autre chargement de rapatriés. Devant eux ou peut-être derrière. On le saura à l’arrivée - dans une semaine, si les esprits du désert sont bienveillants. Rien n’arrête les gendarmes du colonel Kadhafi. Pas même les pleurs affamés d’Abdoulmajid, 10 mois, ni le désespoir de sa mère épuisée et angoissée qui, depuis le début du voyage, ne parvient plus à l’allaiter.
Douze jours et douze nuits dans des camions qui s’ensablent, la vie suspendue à un bidon d’eau de 20 litres. De Gatroun, en Libye, où s’achève la route asphaltée, à Agadez, au Niger, où une armada d’autobus, de minibus et de camions ramène les immigrants expulsés vers leur pays d’origine : 1 490 kilomètres dans la chaleur et la peur. Pour eux, pour leurs familles et pour tous les autres étrangers venus de l’Afrique pauvre du Sud-Sahel, il n’y a plus de place en Libye. Ils doivent partir. Ceux qui restent risquent de se retrouver enfermés dans un camp de détention avant d’être renvoyés dans le désert. Ceux qui repartent...
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