Parmi les voix qui s’élèvent contre l’assaut israélien de Gaza, il y a celles, bien fortes, de Juifs dissidents. Je suis une des huit femmes juives arrêtées pour avoir occupé le consulat israélien à Toronto, le 8 janvier. Le lendemain, des militants juifs ont bloqué à leur tour l’entrée du consulat de Boston. La semaine suivante, un millier de Juifs manifestaient devant le consulat israélien à New York et, quelques jours plus tard, des jeunes juifs forçaient la fermeture de celui de Los Angeles.
La BBC rapporte que le Conseil des communautés juives du Maroc a proclamé « sa solidarité avec les victimes innocentes qui souffrent à Gaza ». Le directeur de la Fondation culturelle du patrimoine judéo-marocain, Simon Levy, a décrit les meurtres à Gaza comme injustifiés et
« plus que déplorables. Ce n’est pas comme ça que je conçois le judaïsme », a-t-il déclaré.
En Grande-Bretagne d’innombrables Juifs de renom ont émis une déclaration critiquant Israël. L’un d’eux, Sir Gerald Kaufman, un député au Parlement britannique dont la grand-mère a été assassinée par les nazis, a déclaré : « Ce gouvernement israélien exploite cyniquement et sans merci la culpabilité des Gentils concernant l’holocauste pour justifier les meurtres des Palestiniens. » Lors d’une réplique au Parlement, il a affirmé ceci :
« Ma grand-mère n’est pas morte pour servir d’alibi aux soldats israéliens afin d’assassiner des grand-mères palestiniennes à Gaza. »
L’occupation du consulat israélien de Toronto à laquelle j’ai participé était organisée par un groupe de personnes indignées par la violence infligée à Gaza par Israël. Nous étions des femmes âgées de 25 à 65 ans, qui pour la plupart n’avaient jamais pris part à une occupation. Nous savions que nous allions être arrêtées et peut-être bousculées par les gardes de sécurité israéliens. Mais nous étions prêtes à prendre ce petit risque, en rien comparable aux souffrances de gens de Gaza, pour attirer l’attention sur ces massacres.
Je savais que cette occupation allait attirer les médias, mais j’ai été abasourdie par les réactions. Bien que la couverture ait été nulle au Canada, l’annonce de cette occupation et une excellente vidéo diffusée sur Youtube ont rapidement fait le tour de la planète. Nous avons été inondées de courriels et d’appels de partout nous remerciant pour ce geste. Les messages le plus émouvants sont venus de Palestiniens en exil et de Juifs inspirés par nos actions.
J’ai réfléchi à l’importance de toute cette question. Je suis moi-même antisioniste depuis que j’ai visité Israël en 1970. J’y ai trouvé une société raciste et militariste qui n’avait rien à voir avec la tradition progressiste que je chérissais en tant que Juive. En effet, au cours des années 1940, il y avait un vif débat à propos du sionisme. Plusieurs Juifs progressistes arguaient qu’Israël deviendrait un piège pour les Juifs, et qu’expulser des gens de leur terre natale était non seulement mal, mais que cela rendait impossible la création d’une patrie paisible pour les Juifs. L’opposition aux politiques d’Israël ou à l’existence même d’un État juif demeure forte, mais cette vision a été marginalisée au sein de la communauté juive.
Depuis plus de dix ans, Israël et la communauté juive organisée d’Amérique du Nord tentent d’imposer l’idée que l’État d’Israël est synonyme de judaïcité. Si on critique Israël, alors on est antisémite. Même au sein de la communauté juive, il est de plus en plus difficile de se prononcer contre Israël de peur d’être ostracisé. Et en Israël, les dissidents se disent plus menacés que jamais. Mais Israël est un pays, pas un peuple. Il est dangereux d’associer un pays à un peuple, et en faisant cela, Israël et les grandes organisations juives nourrissent davantage l’antisémitisme qu’ils ne contribuent à le combattre.