En direct de Palestine

L’onde de choc

lundi 29 mars 2004, par Christine MESSIER

22 mars 2004. Le cheik Ahmed Yassin, chef spirituel du Hamas, est tué par l’armée israélienne. À Gaza, l’assassinat provoque tout de suite une onde de choc énorme, malgré le fait qu’on soit habitué à ce genre d’attentats ciblés commis par l’armée israélienne contre des leaders du Hamas ou d’autres groupes islamistes. Des milliers de personnes descendent dans les rues au cours des minutes qui suivent, peu importe qu’ils soient militants ou non. Car Yassin est un symbole et son assassinat humilie tous les Palestiniens, qu’ils soient fondamentalistes ou modérés.

Très rapidement, il devient dangereux de sortir dans les rues, prises d’assaut par les militants. Les funérailles du défunt leader suivent après seulement quelques heures. La police palestinienne n’a plus le contrôle pour quelque temps : les hommes de Yasser Arafat ne cherchent pas à imposer l’ordre public, question sans doute d’éviter toute confrontation avec les manifestants. Car la tension est à son comble et il ne faut pas déclencher d’altercations entre Palestiniens. Les gens ont peur de sortir de leur maison.

Pendant trois jours, c’est le deuil national tel que déclaré par le président de l’Autorité palestinienne. Trois jours où tout sera comme figé, chacun retenant son souffle dans l’attente de ce qui pourrait suivre. Dans les chaumières de Gaza, en quarantaine forcée, on craint que l’État israélien ait enclenché un engrenage sans fin d’assassinats ciblés ou encore, qu’il ait décidé d’envahir la bande de Gaza de chars blindés. Une tension psychologique presque insoutenable s’est installée. Il faut dire que la population de Gaza entretient cette peur constante qu’Israël répète l’opération effectuée en Cisjordanie au printemps 2002. L’armée israélienne avait alors détruit le quartier général de Yasser Arafat à Ramallah et endommagé plusieurs institutions de l’Autorité palestinienne, sans compter les arrestations massives et les fouilles de maison en maison.
De l’autre côté, en Israël, la sécurité a été renforcée partout immédiatement après l’assassinat, par crainte de représailles du Hamas, bien sûr. Les rues et les commerces sont déserts. La vie est là aussi suspendue. En Cisjordanie, le deuil est aussi observé et les gens manifestent leur colère dans les rues. Plusieurs échanges violents ont eu lieu entre soldats israéliens et Palestiniens un peu partout dans les Territoires occupés, particulièrement près des colonies juives de peuplement. Quelques incidents isolés sont rapportés en Israël. Mais les trois jours de deuil national se sont écoulés et aucune autre bombe n’a explosé.

Le quatrième jour, la vie quotidienne reprend un semblant de normalité à Gaza. On retourne au travail avec soulagement, heureux de pouvoir s’accrocher à quelque chose de concret sur lequel on a un certain contrôle. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les Palestiniens comme les Israéliens sont toujours prêts à retourner très vite à leurs occupations quotidiennes à la suite d’attaques. Ils évitent ainsi de se tourmenter et trouvent un moyen de transcender leur traumatisme.
Au bout d’une semaine, la vie a déjà repris son cours normal. Les gens poursuivent sur ce semblant de normalité qui caractérise la façon de vivre tant à l’intérieur des Territoires occupés qu’en Israël. Mais personne n’est dupe, si la vie continue, tous savent fort bien que ce n’est que par intermèdes.

Christine Messier, collaboration spéciale


L’auteure est gestionnaire de programme en Palestine pour Alternatives.

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