« Nous faisons maintenant face à un nouveau type d’empire, plus puissant que jamais tant sur le plan militaire qu’économique, politique et culturel », a d’entrée de jeu lancé Phyllis Bennis, lors d’une discussion organisée récemment par Alternatives. « La nouvelle doctrine est unilatérale. Le monde est maintenant divisé. Ceux qui osent critiquer le gouvernement américain sont accusés d’être du côté des terroristes. Personne ne veut prendre le risque de remettre en question la superpuissance américaine. »
Ce n’est pas un phénomène nouveau, mais depuis la fin de la guerre froide, il n’y a plus aucune autre puissance pour contrebalancer le pouvoir américain. Ce qui donne des ailes à son expansion. Selon Phyllis Bennis, les Américains ne se cachent plus pour exiger que les lois internationales s’appliquent à tous les États, sauf au gouvernement américain.
« L’administration Bush ignore les règles qu’elle met en place pour le respect des lois internationales [...]. Les États-Unis violent les lois des Nations unies en toute impunité tout en menaçant d’autres pays de guerre si ces États transgressent ces mêmes lois », explique la chercheure du Institute for Policy Studies, qui donne l’exemple de l’Irak. La menace d’une nouvelle attaque par Washington constitue une violation d’une résolution des Nations unies.
Ce que l’ancien secrétaire d’État, Henry Kissinger, a reconnu publiquement tout en affirmant sans gêne que la loi internationale devait par conséquent être réécrite pour rendre explicite le droit des États-Unis d’attaquer l’Irak sur une base préventive, tout en interdisant aux autres pays de lancer des attaques basées sur le même principe.
En plus de s’accorder un traitement particulier en matière de lois internationales, le gouvernement américain reste l’un des plus mauvais signataires de traités internationaux. Seulement deux pays ont refusé de signer la Convention sur les droits de l’enfant - la Somalie et les États-Unis. Le gouvernement américain refuse toujours de ratifier l’accord de Kyoto et le traité de Rome, responsable de la création de la Cour pénale internationale. Il n’est pas question non plus pour l’administration Bush d’accepter la limitation des armes nucléaires ou bactériologiques, ou de signer le traité sur les mines anti-personnelle.
Le poids de l’opinion populaire
Cependant, selon Phyllis Bennis, « ce que [les Américains voient] sur [leurs] chaînes de télévision et à la une des quotidiens est sans précédent dans l’histoire américaine. Soit une importante division et un discours opposé à la guerre contre l’Irak qui circulent dans les hautes sphères du pouvoir américain, et même au sein de l’administration républicaine ». Cette division s’est faite clairement sentir au Comité des audiences du Sénat sur les relations étrangères, où des membres de l’État-major ont affirmé qu’une guerre contre l’Irak n’était pas nécessaire ni souhaitable en ce moment.
La chercheure de Washington est convaincue que « l’opposition massive au sein même de l’administration signifie que l’opinion populaire importe plus qu’à l’habitude ». Les derniers sondages indiquent que 41 % de la population américaine s’est prononcée contre la guerre en Irak. Toujours selon Phyllis Bennis, si les membres du Congrès et de l’administration sont persuadés que le déclenchement d’une guerre avec l’Irak leur fera perdre des appuis politiques, les troupes américaines ne seront pas envoyées.
Ô Canada
« Le débat doit aussi se faire au Canada », affirme l’intellectuelle américaine. Même si le Canada est reconnu pour orienter sa politique étrangère sur celle des États-Unis, elle croit que la solution passe par un renforcement du pouvoir parlementaire canadien. « Le Canada peut se positionner contre les États-Unis si la population canadienne est contre. Il n’y a jamais eu de moment plus important pour dire non à la guerre. »