À l’Université du Québec à Chicoutimi, dans le cadre du 75e Congrès de l’ACFAS, des savants en tous genres se sont réunis pour étudier une brochette de sujets allant de la biologie moléculaire au « corps écranique » (je ne comprends rien à ce dernier champ d’études, je ne fais que citer le programme). Aussi à l’étude de ce congrès de l’Association francophone pour le savoir, la littérature québécoise. Plus spécifiquement, la littérature anglo-québécoise. Le sujet était débattu dans le cadre du colloque intitulé « Autres voix du dedans », organisé par des chercheurs de l’Université McGill à Montréal et de l’Université de Moncton au Nouveau-Brunswick.
À la toute fin de la journée, les chercheurs se sont alors demandé si l’écriture anglo-québécoise existait en soi. Ou, plus précisément, si l’étiquette d’écriture anglo-québécoise n’était tout simplement pas un non-sens, ou une provocation.
Pas besoin d’être historien pour comprendre que la façon dont les francophones du Québec se désignent s’est sensiblement modifiée depuis quelques décennies. Passant de « Canadien » à « Canadien-français » pour devenir « Québécois », l’autodésignation indique la transformation d’une mentalité. Je ne vous apprends rien de nouveau à ce propos.
Et voilà qu’aujourd’hui surgit le terme « Anglo-québécois ». Or, comme le nom « Québécois » est apparu dans les années soixante (aux chercheurs de décider du moment exact) dans un contexte particulièrement nationaliste, l’adjectif « anglo-québécois » ne peut pas exister à proprement parler. À moins que lui aussi ne porte un poids politique...
Si de nouvelles étiquettes voient le jour, c’est que la pensée est en train de changer. Alors, si des chercheurs universitaires parle de littérature anglo-québécoise, est-ce que ça signifie que le champ littéraire au Québec s’ouvre aux écrivains qui travaillent en anglais ? Est-ce que ça signifie que les Anglos d’antan se voient dorénavant comme des Québécois affublés d’une spécificité linguistique ? Ou aurions-nous affaire tout simplement à des gens dont le travail consiste à nommer et à classer des phénomènes ?
Selon plusieurs voix du colloque, ce terme existe maintenant, puisque les écrivains anglophones du Québec ne se voient plus comme des Anglos du Rest of Canada. Ils se verraient plutôt comme des minorités à l’intérieur d’une minorité. Cette double minorité mène-t-elle à écrire de bons livres ? Comme cela s’est déjà produit ailleurs ; pensons aux auteurs de l’Europe de l’Est, tels que Kafka.
L’histoire des Anglo-québécois a un corollaire : le cas des écrivains des « communautés culturelles » qu’on étudie de nos jours dans les collèges et les universités (je pense à Sergio Kokis, entre autres). Pourtant, le parallèle entre les écrivains anglo-québécois et les écrivains des communautés culturelles a ses limites. Kokis et al., écrivant en français, ils s’intègrent sans problème aux cours de langue et littérature tandis que les auteurs anglophones tiennent à composer leurs œuvres en anglais. Le lectorat franco-québécois les lira-t-il en traduction, en version originale, ou ne les lira-t-il pas du tout, trouvant leurs thèmes de déplacement et d’errance trop loin de leurs préoccupations ?
L’utilisation du terme « Anglo-québécois » indique une ouverture d’esprit chez les chercheurs de langue française. Reste à voir si les lecteurs et lectrices « d’ici » suivront cette tendance.