C’était écrit dans le ciel : le 5e Sommet des Amériques, tenu à Trinité-et-Tobago, n’a pas permis aux 34 pays présents d’atteindre sur la question cubaine un consensus qui aurait permis de lever l’embargo imposé à Cuba depuis... 47 ans !
Les États-Unis, seuls de leur camp, persistent donc, contre le reste du monde, à affamer, à faire souffrir, à rendre malade et à priver de médicaments et d’appareils médicaux adéquats tous les Cubains. Plusieurs pays d’Amérique latine, le Venezuela en tête, ont donc, pour cette raison, refusé de signer la déclaration finale du sommet. Depuis un demi-siècle, les États-Unis maintiennent sur Cuba une politique où se mêlent à cet embargo d’innombrables actes terroristes, des complots pour assassiner Castro et de multiples tentatives de coups d’État. Cette politique reste inflexible et elle n’a cessé d’être appliquée avec une rigueur et un fanatisme réellement inouïs.
Tout cela, y compris l’embargo lui-même, a pourtant été condamné à maintes reprises par toutes les instances pouvant se prononcer et a été déclaré illégal par de nombreuses autres. Ces déclarations ont été faites conformément au droit international qui interdit notamment d’utiliser la privation de nourriture comme moyen de pression politique ou économique. La population américaine, comme le reste de la population mondiale, désapprouve en bloc cette politique. Mais rien n’y fait. L’administration Kennedy, qui a initié toutes ces choses, tenait à ce que le reste du monde pense que les États-Unis, quand il est question de Cuba, « deviennent légèrement cinglés ». C’est encore le cas aujourd’hui.
Car il faut en effet être cinglé - et beaucoup plus que légèrement - pour voir dans Cuba une menace pour les États-Unis. Un ambassadeur mexicain à qui le gouvernement américain demandait de dire que Cuba présentait un danger pour son pays avait expliqué qu’il ne pouvait le faire : s’il affirmait une telle chose, expliquait-il, il serait responsable du décès de 40 millions de Mexicains, qui mourraient aussitôt de rire.
Au total, même si Obama a promis de grands changements en campagne électorale, ceux-ci, on le voit à présent, seront finalement bien modestes - les autorisations de voyages et les transferts d’argent seront notamment plus libéralement accordés. Il faut déplorer cette impasse de toutes nos forces. C’est qu’en ce moment historique où Cuba, très fragilisé par la crise économique, par la montée des inégalités, de la pauvreté, du marché noir et de l’économie informelle, doit imaginer une voie politique et économique qui lui permettrait de sortir de l’autoritarisme, de la planification centrale, de la bureaucratie et de l’organisation hiérarchique du travail, mais sans entrer dans l’économie de marché ; en un tel moment, l’absence de levée de l’embargo est une véritable catastrophe.
C’est une catastrophe pour le peuple cubain d’abord, qui réclame des changements. C’en est une aussi pour ces valeurs de droits de l’homme et de liberté d’expression, objet de rhétorique pour les États-Unis qui justifient ainsi leur délirante et mortifère politique. Ces valeurs elles-mêmes exigeraient des États-Unis non seulement qu’ils lèvent l’embargo, mais aussi qu’ils ferment la base militaire de Guantanamo illégalement occupée, et qu’ils compensent Cuba pour tous les dommages subis depuis un demi-siècle. Finalement, le maintien de l’embargo est une catastrophe pour l’espoir d’un socialisme plus authentique, celui que les dirigeants américains ne peuvent en aucun cas tolérer - ceci expliquant cela.
L’audace d’espérer d’Obama, semble-t-il, ce n’est pas pour les Cubains.