Davos 2018

L’arroseur arrosé

lundi 22 janvier 2018, par Claude Vaillancourt

Comme à tous les ans, au Forum économique mondial, les grands de ce monde se réunissent dans la jolie ville de Davos pour discuter du sort de l’humanité. Pour la première fois depuis les années Clinton, le président des États-Unis Donald Trump a choisi de s’y déplacer. Aussi impopulaire soit-il, cela donne de la solennité à l’évènement, alors que de gros nuages noirs se pointent à l’horizon.

Ceux qui suivent le Forum économique depuis plusieurs années ont observé un changement radical dans le ton. Auparavant, l’optimisme régnait. La pauvreté et la misère étaient des mots absents des conversations. Les participants espéraient rentrer à la maison après avoir brassé de fructueuses affaires. Aujourd’hui, à Davos, on s’inquiète des catastrophes qui peuvent désormais frapper les riches comme les pauvres.

Depuis quelques années, le document le plus attendus et commenté est le Global Risk Report qui fait la liste des pires dangers pour l’humanité. Une liste qui rend d’ailleurs inoffensif le plus terrifiant film d’horreur. De façon assez étonnante, ces dangers changent d’année en année, comme s’il s’agissait d’une sorte de saveur du jour, alors que la situation mondiale n’évolue pourtant pas si rapidement.

Par exemple, en 2014, le plus grand danger en terme de probabilités était les inégalités sociales. Ce problème est aujourd’hui exclu de la liste, alors que ces inégalités se sont pourtant beaucoup accrues depuis. Les conditions météorologiques extrêmes constituent la première menace, le danger le plus constant depuis plusieurs années. Les cyberattaques, disparues depuis 2014, réapparaissent tout à coup.

Ce travail scientifique est fait en collaboration avec les plus grands experts, et surtout avec des compagnies d’assurance qui connaissent mieux que personne ce qu’est le risque (plus spécifiquement Marsh & McLennan Companies et Zurich Insurance Group). Il se base principalement sur l’avis d’environ 1000 personnes interrogées (qui sont-elles ? On ne le sais pas…) et des réponses qui passent dans la moulinette d’une savante formule mathématique. Du solide, quoi.

Le plus difficile, c’est de concilier l’idéologie des participants à ce somment avec des solutions pour régler ces problèmes qui nous font tellement peur. De nouvelles menaces permettent une forme de réconciliation : c’est le protectionnisme, le recul du libre-échange et le populisme (aux pages 22 et 23 du rapport) qui qu’il faut vaincre pour rétablir l’ordre, comme les bonzes de Davos l’ont toujours dit. Mais la libéralisation du commerce, la libre circulation des capitaux et le non-interventionnisme n’ont-ils pas mené à ces catastrophes très bien identifiées ?

Les menaces reliées au dérèglement climatique étant considérées comme les plus grandes, il est donc intéressant de voir ce qu’on propose pour se prémunir de ce danger. Selon un article sur le site du Forum, « les investisseurs peuvent aider à sauver la planète ». On donne l’exemple de Total et de Toyota qui « adoptent des stratégies pour diversifier et décarboniser leur modèle d’affaires. » Provenant d’une compagnie pétrolière et d’un fabriquant d’automobiles, un pareil propos est pour le moins surprenant… Malgré ses inquiétudes, le Forum économique de Davos reste le même. Le monde sera sauvé par les investissements, la technologie, alors qu’on chante les mérites de la « quatrième révolution industrielle ».

En plus de Trump, Justin Trudeau et Emmanuel Macron, présents cette année au Forum économique, se retrouvent en famille dans un tel lieu, entourés de gens d’affaires, avec des constats si souvent entendus qu’ils en viennent à croire qu’il s’agit de la vérité et deviennent sceptiques lorsqu’on leur propose autre chose.

Selon La Presse canadienne, Trudeau rencontrera « les chefs des multinationales comme ABB Group, Alibaba, Alphabet/Google, BlackRock, Coca-Cola, DP World Ericsson, Investor AB, Microsoft, Royal Dutch Shell, Thomson Reuters, UBS et UPS. » Tout cela, soi-disant pour tirer « des bénéfices pour la classe moyenne. » Il y a décidément quelque chose qui cloche dans la rhétorique de notre premier ministre, redondante et absurde…

À Davos, on aime nous le rappeler que les catastrophes sont imminentes. Mais on le fait en tâchant surtout de nous faire oublier dans quelle mesure les politiques chuchotées dans ce club ultra sélect en sont en grande partie la cause.

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