Tout au long de la campagne électorale, les sondages d’opinion ont révélé de surprenantes disparités entre les besoins sociaux apparents et les intentions de vote de la population. Selon le Bureau central des statistiques d’Israël, l’année 2002 a affiché les pires performances économiques depuis 1953. Malgré la récession, le taux de chômage qui monte en flèche et 20 % de la population qui vit maintenant sous le seuil de la pauvreté, seulement 31 % des Israéliens considéraient l’économie comme un facteur déterminant dans leur choix électoral. Le programme de sécurité représentait l’élément le plus significatif pour 63 % des électeurs, la dernière année ayant été la plus difficile en ce qui concerne la sécurité individuelle, et ce, depuis le début de l’Intifada en septembre 2000. C’est ainsi que Sharon a été reporté au pouvoir. Le candidat du Likoud avait misé sur le renforcement de la sécurité en campagne électorale.
Les véritables enjeux ne semblent donc avoir eu que peu d’influence sur le résultat des élections. En effet, le citoyen israélien aurait peine à expliquer ce que Sharon peut offrir, que ce soit en matière d’économie ou même de sécurité. Pendant la campagne, de telles questions n’ont été que rarement débattues, mis à part quelques vagues déclarations.
La chute
Il n’y avait aucun principe remis en cause dans la crise qui a secoué le gouvernement en octobre dernier et qui a suscité le déclenchement d’élections anticipées. C’est ce qui explique sans doute l’absence de débat politique pendant la période électorale.
La crise est née du désir des travaillistes de réduire les subventions aux colonies juives. Porté par la vague de l’opinion publique, le chef du Parti travailliste Ben Eliezer, également ministre de la Défense dans le gouvernement d’unité nationale d’Ariel Sharon, avait tenté de profiter du manque de popularité du programme de colonisation et de démantèlement de certaines colonies dans les Territoires occupés. Il a fini par remettre sa démission, suivi du ministre des Affaires étrangères Shimon Pérès. Le gouvernement s’est effondré en même temps que son budget.
Une fois les élections anticipées annoncées, on a manqué une importante opportunité : celle d’évaluer la politique israélienne dans le contexte de la deuxième Intifada. La campagne électorale qui a suivi a été dénuée d’idées, de débats. C’est presqu’avec soulagement que les scandales de corruption du Likoud ont fait surface, ce qui a permis pendant un moment de recentrer la campagne sur les enjeux politiques. Les récits disgracieux mais colorés d’un proche du parti qui a voulu permettre à sa fille de prendre place en tête des listes électorales et l’achat de votes par un député du Likoud lors des primaires ont remplacé le débat politique.
Finalement, tout comme les échecs du parti d’Ariel Sharon en matière d’économie et de sécurité, ces révélations n’ont eu aucun impact sur le résultat des élections. Le Likoud contrôle maintenant plus du quart des 120 sièges de la Knesset, le Parlement israélien.
Un des groupes qui a su tirer profit de la paralysie des électeurs est le Shinui, parti centriste laïque. L’état d’esprit qui règne en Israël rend tout mouvement vers la gauche ou la droite malvenu, voire dangereux. Aucun groupe ne personnifie mieux le vide consensuel autant que le Shinui, qui a su se présenter comme un parti de centre, malgré l’absence d’un programme politique étoffé. Avec 15 députés élus, le parti a plus que doublé le nombre de ses sièges au Parlement et occupe maintenant la troisième place, avec seulement deux sièges de moins que le Parti travailliste.
Instabilité
L’instabilité demeure la caractéristique première de la scène politique israélienne. Le Likoud peut maintenant tenter de former différents gouvernements d’union nationale, et les forces internes du Parti travailliste demandent la tête de leur chef, Amram Mitza. Son départ pourrait ouvrir la porte à une coopération entre les deux partis. Une coalition de droite demeure toujours possible.
Mais là n’est pas l’important. Ce qui est à retenir des dernières élections est l’absence de débat. De plus en plus, la population israélienne perçoit la direction politique de leur gouvernement comme allant de soi, si bien qu’ils ne prennent même plus la peine de la questionner.
SergioYahni et Gerard Waite, The Alternative Information Center