Inquiétudes au Bas St-Laurent

mardi 2 mai 2006, par Philippe VIEL

La région de Rivière-du-Loup connaît une croissance économique impressionnante. Deux nouveaux projets énergétiques, encore au stade d’évaluation, sèment néanmoins la controverse : le projet d’un port méthanier, à Cacouna, et celui d’un important déploiement d’éoliennes, notamment le long du fleuve Saint-Laurent. De quoi faire réfléchir les environnementalistes, les citoyens, et les acteurs économiques de la région.

S’il réussit à satisfaire les exigences gouvernementales, le projet de port méthanier du groupe Énergie Cacouna pourra recevoir jusqu’à près de 500 millions de pieds cubes de gaz naturel quotidiennement. La construction d’un oléoduc permettra de transporter le combustible vers Saint-Nicolas, à 200 km plus au sud. Deux acteurs canadiens se sont associés pour ce projet : TransCanada, qui se spécialise dans le développement d’infrastructures, et Pétro-Canada, qui s’occupera de l’approvisionnement (principalement de Russie) et de la mise en marché.

Les promoteurs misent sur une augmentation considérable de la demande en gaz naturel au cours des dix prochaines années, soit au même rythme que la demande énergétique globale. De là l’importance, selon eux, de desservir les marchés québécois, ontariens et Nord-Est américains. Énergie Cacouna prévoit qu’un investissement initial de 700 millions de dollars, nécessaire pour la phase de construction, créera 2000 emplois directs. Par la suite, le groupe croit pouvoir créer 35 emplois pour les opérations régulières.

Est-ce suffisant pour justifier les risques environnementaux et sécuritaires qui accompagnent ce type de projet ? Récemment, Gaz Métro avait pourtant rejeté ce site pour lui privilégier celui de Beaumont. Les vents, les glaces et le brouillard, qui étaient problématiques à Gaz Métro, ne le seraient plus pour le nouveau groupe.

« Énergie Cacouna n’a pas fait ses devoirs, et cache plusieurs aspects du projet, dont l’emplacement de l’oléoduc », tranche M. Gaétan Malenfant, président du Comité de recherche et d’intervention environnementale du Grand-Portage (CRIE). Énergie Cacouna a tout de même réussi à convaincre une majorité des résidents de Cacouna (57 %), qui ont approuvé lors d’un référendum consultatif la poursuite des démarches. Cependant, les démarches actuelles ne présentent que le développement du terminal, situé sur les côtes du Saint-Laurent. Aucune indication ne concerne l’emplacement de l’oléoduc.

Les activités de production, d’extraction et d’exploitation contribueront à l’accroissement des gaz à effet de serre, en plus d’empiéter sur de nombreux écosystèmes de la région, dénonce le CRIE. Les éventuelles carences énergétiques de la province ne pourraient justifier les nouvelles installations, selon le groupe environnemental, qui considère que les citoyens doivent se responsabiliser, en utilisant une énergie plus propre.

De plus, les coûts d’importation fluctueront en fonction des prix internationaux, sur lesquels il est très difficile d’estimer la portée de leur augmentation au cours des prochaines années. Difficile alors de prévoir la rentabilité de l’utilisation du gaz comme source d’énergie, estime l’organisme. En augmentant drastiquement le prix du gaz exporté en Géorgie plus tôt cette année, la Russie a démontré qu’elle pouvait fermer les valves aux pays Européens. De tels événements guettent-ils l’approvisionnement canadien ?

Développement éolien

Un second projet énergétique pourrait également voir le jour à Cacouna. L’ontarienne SkypowerWind Energy LP et sa société Terrawinds désirent implanter plus de 125 éoliennes, principalement le long des berges du Saint-Laurent. L’énergie serait vendue à Hydro-Québec Distribution.

Terrawinds estime le coût total du projet à 350 M$. Vingt emplois seront créés à long terme, après que la phase de construction aura employé 300 personnes. La production atteindrait les 200 mégawatts, estime la compagnie. Le contrat d’approvisionnement entre Hydro-Québec et Terrawinds, d’une durée de 21 ans, garantit l’achat d’électricité à un prix fixe, majoré annuellement.

En raison des grands vents qui les balaient, les régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie sont considérées comme de véritables « Klondike » énergétiques. Déjà, plusieurs parcs éoliens ont été érigés près du fleuve Saint-Laurent, comme à Cap-Chat et à Matane, de même qu’à Murdochville, plus éloigné des côtes. Hydro-Québec désire ainsi combler, par l’entremise de partenariats public-privé en matière de développement éolien, les besoins en énergie de la province.

Malgré les atouts certains de cette énergie renouvelable, plusieurs résidents de Cacouna soulignent l’importance des conséquences environnementales entraînées par les parcs éoliens. De nombreux flots migratoires d’oiseaux pourraient être perturbés par ces immenses structures, de même que les terres agricoles et les milieux humides où elles seront érigées. Les citoyens s’inquiètent également des effets dommageables que les éoliennes auront sur les paysages de cette région, hautement touristique.

Ainsi, l’emplacement des éoliennes de Terrawinds, dont plusieurs seraient implantées le long du fleuve Saint-Laurent, suscite la grogne des résidents et des groupes environnementaux. Nombre d’espèces de sauvagines pourraient être affectées. « Il existe présentement un grand écart entre la réglementation de la MRC de Rivière-du-Loup et le plan d’implantation de Terrawinds, la réglementation exigeant un déploiement loin des côtes et des espaces protégés », déplore Gaétan Malenfant. « Il faut penser à un plan de développement responsable, non bâclé, et viser un objectif de développement durable pour la région ».

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