Une étude sur le coût du panier à provisions nutritif dans divers quartiers de Montréal, effectuée en 2005 par le Dispensaire diététique de Montréal (DDM), révélait que les magasins d’alimentation à grande surface affichent des prix plus élevés dans les quartiers pauvres que dans les quartiers favorisés. Ainsi, une famille de quatre personnes vivant dans un quartier aisé devait dépenser 150 $ par semaine en 2005 pour avoir une alimentation suffisante, près de 4 $ de moins que dans les quartiers défavorisés.
De plus, une étude de la Direction de la santé publique de Montréal parue en septembre 2006 révèle l’existence de « déserts alimentaires » dans la métropole, soit des zones où aucun marché d’alimentation ne répond à la demande en fruits et légumes. Selon cette enquête, « 40 % des Montréalais ne dispose pas d’un approvisionnement adéquat sur une distance de marche (500 m de marche et moins) ». Si le manque d’accessibilité aux produits frais sévit autant dans les quartiers pauvres que dans les quartiers aisés, il touche particulièrement les familles défavorisées qui n’ont pas les moyens de posséder une voiture. « Ainsi, de nombreuses familles doivent se fier à des dépanneurs ou des magasins à petite surface pour assurer leur approvisionnement », explique Marie-Paule Duquette, directrice du Dispensaire diététique de Montréal.
Selon des évaluations effectuées en mai par le DDM, le prix des denrées alimentaires de base a augmenté de 14 % en 3 ans. Il coûte désormais 173,88 $ par semaine à une famille de 4 personnes pour se nourrir adéquatement. C’est près de 40 % des ressources financières d’un ménage à faible revenu.
Grâce à ces calculs, le Dispensaire a également pu évaluer que le prix des aliments de base grimpe davantage que les autres aliments. Cette hausse inquiète la directrice du Dispensaire diététique de Montréal qui assure un service d’aide alimentaire aux femmes enceintes et en difficulté. Selon Mme Duquette, c’est en effet la qualité de l’alimentation qui est la première victime d’une augmentation des prix. « Les mamans vont couper dans l’alimentation, elles vont choisir les aliments les moins chers, plus riches sur le plan calorique et moins sur le plan nutritif », relate-t-elle.
Pointe Saint-Charles, un exemple de prise en main alimentaire
Les habitants du quartier Pointe Saint-Charles connaissent bien le problème de l’insécurité alimentaire. Selon les chiffres de la Conférence régionale des élus, 43 % des familles y vivent sous le seuil du faible revenu. Le quartier est non seulement considéré comme l’un des plus défavorisé de la métropole, mais le transport en commun y est également déficient. « Nombre d’habitants n’ont pas accès au métro. Souvent, ce sont les dépanneurs qui assurent l’alimentation. Il y a peu de fruiteries, peu de grandes surfaces d’achat, relate Isabelle Aubin du Club populaire des consommateurs de Pointe Saint-Charles. Les gens font face à un réel problème d’insécurité alimentaire : ils n’ont pas accès à une alimentation saine et variée et n’ont pas assez d’argent pour acheter la nourriture. »
Les habitants du quartier ont cependant décidé de se prendre en main. En 1970, ils fondent le Club populaire des consommateurs de Pointe Saint-Charles, un organisme coopératif qui a pour but de promouvoir et d’assurer la sécurité alimentaire des résidents locaux.
« Nous ne sommes pas un service de dépannage alimentaire. On ne donne pas de nourriture », spécifie Sylvie Guyon, la coordonnatrice du club. Celui-ci organise plutôt des groupes qui permettent aux gens de se réunir pour acheter des denrées alimentaires en gros et de se répartir ensuite la nourriture selon leurs besoins. « Plus on est, moins ça coûte cher », explique Mme Guyon.
Le club propose aussi des cuisines collectives. Selon Isabelle Aubin, « Le but est de cuisiner de grandes quantités pour diminuer les coûts. Les portions ne doivent jamais coûter plus de 1 $ ».