Depuis quelques années nous sommes témoins d’une attaque en règle de la part des gouvernements et des institutions internationales contre le mouvement social, et en particulier son maillon faible, les ONGs. Maillon faible, parce que « dépendants » du financement de ceux qu’ils sont souvent sensé combattre.
Le Centre d’Information Alternative – partenaire d’Alternatives Montréal depuis plus de deux décennies – en a fait l’expérience il y a un an, quand nous avons organisé, à la demande du Forum Social Madrilène, un Forum thématique sur la Palestine et que l’Union Européenne avait tenté d’en fixer le cadre et d’imposer des participants qui n’y avaient pas leur place. A cette époque, nous indiquions que l’intervention brutale de Miguel Moratinos et ses menaces de retirer les fonds de l’Union Européenne et de fermer les locaux loués pour le Forum – menaces qui ont effectivement été suivies d’actes – était un signal pour l’ensemble des mouvements sociaux, disant en somme : « la fête est finie ! On vous a financé pendant de nombreuses années, à partir de maintenant il faudra payer et on aura notre mot à dire sur le contenu de vos activités ».
La menace récente de couper les fonds à Alternatives participe de cette contre-réforme. Il y a, certes, la crise économique qui pousse à des coupes budgétaires et la réduction des subventions aux ONGs est, somme toute, moins grave, pour nos sociétés, que les massacres, dans certains pays, des budgets de l’éducation et de la santé. Mais ce n’est pas que ça : l’Etat bourgeois est conscient que dans ce contexte de crise systémique, la polarisation politique est inévitable et que le pacte politico-social qui avait existé pendant le demi siècle qui a fait suite à la victoire sur le fascisme, n’est plus de mise. Chacun son camp et entre les deux pas de « no man’s land ».
Alternatives, ainsi que notre réseau international Alternatives International, se situent clairement et sans ambigüité aucune dans le camp des victimes des solutions néolibérales et de la guerre de recolonisation du monde, de Niamey a Ramallah, de Mombai a Montréal. Ensemble, nous avons lancé il y a près de dix ans, à Seattle et à Porto Alegre le cris de guerre « Le monde n’est pas une marchandise, un autre monde est possible ! », comme réponse au discours unique sur « la fin de l’histoire » et l’incontournabilité du marché capitaliste.
Aujourd’hui nous disons, plus fort que jamais et comme réponse a la crise du système global « un autre monde est indispensable ! » En passant du « possible » a l’ « indispensable » et en s’appuyant sur la révolte de tous les « sans » de notre planète, nous cessons d’être considérés comme des rêveurs qui tournent le dos à la marche irréversible de l’histoire vers le triomphe de la mondialisation néolibérale et de ses faux prophètes ; nous sommes devenus une menace.
Ceci dit, il est important de rappeler aux dirigeants canadiens et québécois ce que nous disions l’année dernière a Miguel Moratinos : l’argent public n’est pas votre patrimoine personnel, mais le fruit de nos impôts et de notre travail à toutes et a tous. Une partie du contrat démocratique exige que les finances publiques soutiennent nos associations, c’est-à-dire celles qui expriment, dans leur mandat et leur action, les valeurs qu’une majorité de nos sociétés défendent : le respect de la dignité humaine, le droit international, les droits politiques et sociaux pour tous et la solidarité entre les peuples et les nations. C’est pour défendre ces valeurs qu’Alternatives existe, et doit continuer a exister.