Aujourd’hui 10 décembre, des milliers d’activistes autochtones et leurs allié-e-s vont marcher, protester, écrire des blogues et des tweets ou même refuser de manger dans le but d’envoyer un message clair à Stephen Harper : trop, c’est trop.
Normalement, le fait que trop soit trop n’est pas suffisant et ne l’a pas été depuis des siècles.
Trop est le moment à partir duquel les gens s’unissent et refusent catégoriquement d’être asservis. Ils-Elles se refusent à être dominé-es, colonisé-es et re-colonisé-es. Quand trop, c’est trop, ça parait différent d’une simple manifestation.
Je pense qu’aucun mouvement social au Canada n’a atteint le point de non-retour où « trop » devient vraiment trop.
Mais « Idle No More » pourrait très bien devenir l’étincelle requise pour construire un mouvement pouvant véritablement dire « ça suffit ». « Idle No More » en deviendrait le cri de ralliement, l’inspiration. Cette poussée, cette accolade que tous ceux et celles luttant pour la reconnaissance et le respect des traités autochtones pourraient avoir besoin.
Le mouvement « Idle No More » s’est propagé après que des leaders des Premières nations se sont vus refuser l’entrée à la Chambre des communes pour discuter du projet de loi budgétaire du fédéral. Ce projet de loi amène des changements importants à une centaine de règlementations et aura des effets sur tous les Canadiens et particulièrement sur les peuples autochtones.
Le mouvement est né dans les réseaux sociaux et il appelle à des manifestations pacifiques dans des villes et villages du Canada et aussi en ligne.
La résistance prendra des formes multiples. Des rassemblements, des manifestations devant les bureaux des policiers et jusqu’à une grève de la faim de la chef d’Attawapiskat Theresa Spence, les activistes questionneront et contesteront les décisions de notre gouvernement qui ne rend pas de compte de public et qui travaille de manière très peu démocratique.
Lorsque je parle de « notre gouvernement », je fais référence aux Canadiens, descendants des premiers colons pour qui, sur cette terre, le gouvernement actuel est le seul gouvernement (fédéral) qu’ils ont. Si Stephen Harper manque à ses promesses, ment quant à des avions de chasse ou vend une partie de l’Alberta à la Chine, nous pouvons être en désaccord, mais notre système politique fait en sorte que le gouvernement élu a l’autorité complète pour faire passer ce projet de loi. Nous devons exprimer notre opposition et explorer l’éventail de recours, légaux ou pas, mis à notre disposition.
Pour les communautés autochtones, la relation est toutefois différente. Les mensonges du gouvernement fédéral ne font pas partie du (dys)fonctionnement du système régulier. C’est plutôt une brèche dans les traités signés entre les gouvernements nationaux et ayant force de loi.
Ainsi perçues, les actions du gouvernement Harper ne sont plus un simple exemple d’une démocratie émiettée, mais un manque de respect des responsabilités formelles et juridiques que la Couronne a envers les peuples autochtones.
Ces responsabilités sont l’envers de la médaille des droits dévolus au gouvernement fédéral et dont il dispose allègrement. C’est le cas par exemple du droit du fédéral d’avoir accès aux ressources naturelles sur le territoire et son droit de les exploiter. Mais il n’existe pas de droits sans responsabilités et les représentants actuels ont honteusement ignoré les responsabilités qui découlent des traités.
En refusant de rencontrer les chefs des Premières nations à Ottawa, Joe Oliver et Jim Flaherty leur ont manqué de respect. Cette insultante inaction indique que le gouvernement n’a aucun intérêt à rencontrer les représentants des peuples dont nous avons volé la terre et les ressources, dont nous profitons.
Bien sûr, il n’y a là rien de très nouveau dans la relation entre le Couronne fédérale et les peuples autochtones. Ce qui semble nouveau toutefois, c’est l’existence d’une réponse nationale unifiée, sophistiquée et articulée autour de « Idle No More ».
Canadiens, Canadiennes ; nous avons la responsabilité d’honorer les traités, comprendre les traités et demander (verbalement, physiquement ou par tout autre moyen) que notre gouvernement respecte aussi ces traités.
Nous allons continuer à entendre parler de « Idle No More » et j’ai hâte de voir comment la campagne prend racine et se déroule à l’intérieur des communautés où j’ai des liens.
Unité et solidarité seront nécessaires au sein des peuples autochtones pour mener leur lutte pour la reconnaissance de leurs droits, mais les activistes allochtones ont aussi un rôle similaire à jouer. Il s’agit ici de notre gouvernement et nous sommes en partie responsables d’avoir donné aux loups l’accès au poulailler.
J’espère que vous puissiez participer à un évènement « Idle No More » dans les prochains jours. Mais surtout, j’encourage tous les allochtones à :
– Apprendre l’histoire et les histoires des ainés quant aux évènements sur ce territoire
– Positionner la décolonisation à l’intérieur de tout travail progressif ou de justice sociale que vous faites
– Lire et comprendre la Loi sur les indiens et comment cette loi raciste est utilisée maintenant
– Ne pas avoir peur de faire des erreurs.
Soyez humble. Marchez tranquillement. Soyez respectueux. Soyez audacieux.