Au moment d’écrire ces lignes, les négociations entre les troupes du putschiste Micheletti et celles fidèles au président élu Manuel Zelaya semblent une nouvelle fois rompues au Honduras. Un accord prévoyant la création d’un gouvernement d’unité nationale, intégrant les putchistes et excluant toujours Manuel Zelaya de la présidence était pourtant sur la table jusqu’au 6 novembre. Mais en claquant la porte, le président élu réaligne sa position sur celle du Front de résistance qui, de la rue, réaffirme que les conditions de la restitution du pouvoir au président ne sont pas négociables !
Un virage à gauche
Instrumenté par les secteurs réactionnaires de la société hondurienne (l’armée, l’Eglise, le pouvoir judiciaire, les grands médias, la bourgeoisie) et le Pentagone, le coup d’État du 28 juin dernier visait notamment à faire renverser le processus de réformes sociales et politiques engagées par un président à l’origine libéral qui, confronté aux pressions syndicales et sociales, à une inflation exponentielle et aux baisses répétés de la « valeur » des produits d’exportation honduriens, avait lancé en 2008 et 2009 une série de mesures progressistes en faveur des travailleurs et des plus pauvres.
En juillet 2008, lors des célébrations du 29e anniversaire de la révolution sandiniste au Nicaragua, il annonce l’intention du Honduras de rejoindre l’Alternative bolivarienne pour les peuples des Amériques – l’ALBA – constituée entre autres par la Bolivie, Cuba, l’Équateur, le Nicaragua et le Venezuela. En novembre de la même année, il force la main de celui que les putschistes devaient choisir pour le remplacer pour que son pays adhère à PetroCaribe, une initiative vénézuélienne pour fournir du pétrole aux pays de la région à un prix inférieur au prix du marché mondial. La veille de Noël 2008, après avoir abaissé les taux usuraires des banques et créé des programmes de subventions aux petits producteurs agricoles, Zelaya complète son virage à gauche en proclamant l’augmentation de 60% du salaire minimum. Loin de se réjouir, les entreprises nationales et étrangères, notamment américaines, qui jusque là utilisent l’excuse de la crise financière pour geler les salaires à leur plus bas et maintenir leurs marges de profits, prophétisent une nouvelle ère de cataclysmes dans le secteur privé. Selon eux, ces nouvelles mesures ne pourront qu’engendrer des mises à pied de travailleurs, des fermeture et déménagements d’entreprises, etc
En mai, Zelaya commet sans doute l’impair le plus important lorsqu’il dévoile sont intention de transformer la base militaire américaine de Soto Cano, base d’opération des Etats-Unis durant la guerre des contras au Nicaragua dans les années 80, en aéroport international ! La perspective de la fin de la présence militaire états-unienne dans la région a selon toute vraisemblance incité le président Obama à mettre fin aux ambitions de Manuel Zelaya.
Résistances populaires et pressions internationales
Le 21 septembre, soutenu par le Brésil de Lula, Zelaya est de retour à Tegucigalpa, capitale hondurienne, et le pouvoir se lance dans une nouvelle vague de répression. Pourtant, les marches, barrages, événements de protestation et les regroupements de masses se généralisent à travers tout le pays. Le Front de résistance annonce très clairement ses objectifs qui sont la restauration de la présidence légitime de Zelaya ; la mise en place d’une Assemblée Constituante et la réforme de la Constitution pour la construction d’une démocratie réelle, populaire et souveraine.
Poussé notamment par l’ONU qui avait annoncé la suspension de l’assistance technique à l’organisation d’élections au Honduras et par l’Organisation des Etats Américains (OEA), laquelle avait affirmé quelle n’allait pas reconnaître les élections du 29 novembre prochain ; le gouvernement putschiste fut finalement contraint à s’asseoir à la table de négociations. On peut sans doute conclure que c’est Washington qui aura finalement imposé le processus de médiation « mené » par le président Oscar Arias du Costa Rica, un fidèle allié.
Si le Front de résistance demeure inflexible : « la seule chose que nous pouvons négocier avec le gouvernement de facto est la fixation de la date de leur retrait du pouvoir et du retour immédiat des militaires dans leurs casernes ! » ; l’accord de Tegucigalpa/San Jose que les putchistes et leurs alliés continuent de vouloir imposer aux représentants de Zelaya par la mise en place d’une gouvernement « d’unité », sans Zelaya, pourrait bien signifier un retour en arrière pour nombre des politiques progressistes mises en vigueur dans les derniers mois.