Gold Corp. au banc des accusés

jeudi 30 octobre 2008, par Stephanie Rousseau

Les activités dénonçant les compagnies minières étrangères étaient nombreuses au Forum social des Amériques, qui s’est tenu dans la ville de Guatemala, du 7 au 12 octobre. Plusieurs des cas présentés mettaient en cause des entreprises canadiennes. Au banc des accusés : l’entreprise Gold Corp., qui a pignon sur rue à Vancouver et qui exploite une mine d’or et d’argent au nord-ouest du Guatemala.

Quand Montana Exploradora, la filiale de Gold Corp. au Guatemala, a annoncé de nouveaux emplois bien rémunérés, les citoyens étaient contents. C’était une bonne nouvelle dans cette région, où plus de 86 % de la population, majoritairement autochtone, vit dans la pauvreté et où une grande partie des gens pratique une agriculture de subsistance.

Mais ils ont rapidement déchanté. « Ils nous ont promis des emplois et des routes et on n’a rien eu de tout cela. Ce qu’on a, c’est tous les désagréments de la mine. Les sources d’eau contaminées, les puits asséchés, la déforestation et l’accumulation de déchets dangereux », dit Maria Velasquez, une résidente de San Miguel Ixtahuacán. Une étude réalisée par le diocèse de San Marcos, sortie en août 2008, révèle de hauts taux d’arsenic dans certains points d’eau à proximité de la mine.

La mine Marlin est située dans le département de San Marcos au nord-ouest du Guatemala, à environ 300 kilomètres de la capitale. C’est une mine à ciel ouvert dont l’exploitation devrait durer jusqu’en 2015.

Si la période d’implantation de la mine, au début 2004, a bien généré 1 000 emplois, ils étaient en majorité temporaires. Depuis décembre 2005, moment où la mine est entrée en production, le nombre d’emplois permanents a fondu à 200, dont 160 seulement sont comblés par des gens de l’endroit. Les 40 000 habitants de la région trouvent l’impact économique bien faible.

D’autant plus que la mine ne verse que 1 % de ses revenus en redevances au gouvernement guatémaltèque depuis l’instauration de la nouvelle loi minière en 1997. Cette loi, appuyée par les États-Unis, la Banque mondiale et le FMI, a été mise en place un an après la signature des accords de paix qui ont mis fin à plus de 36 ans de guerre civile. Elle devait aider le Guatemala à sortir des conséquences de la guerre en favorisant les investissements étrangers dans le pays. Elle donne beaucoup de permissivité aux entreprises et a fait baisser les redevances des entreprises minières de 7 % à 1 %.

Le droit à un consentement éclairé

Les désillusions ont commencé bien avant le début de l’exploitation. Au départ, les représentants de Montana Exploradora n’ont pas dit pourquoi ils achetaient les terres. « Ils parlaient d’un projet de campo (campagne) qui allait apporter des emplois. C’est comme ça qu’ils ont présenté le projet », explique Francisco Bámaca, un résidant de San Miguel.

L’entreprise s’y est prise de manière stratégique pour acquérir les terrains. Elle a acheté les terres de manière circulaire, en commençant par l’extérieur du cercle. En plus, l’entreprise proposait 4 000 quetzales (460 $) le vingt mètres carrés, un prix bien supérieur à la valeur à l’époque.

Certaines personnes disent avoir été victimes d’intimidation durant le processus d’achat des terrains. Crisanta Hernandez Pérez ne voulait pas vendre son terrain au départ. Un jour, les représentants de la compagnie Montana se sont présentés chez elle : « Ils m’ont dit qu’il fallait que je vende ma terre, que je n’avais pas d’autres choix et qu’aucune loi ne pouvait me protéger. » Effrayée, et comme ses voisins avaient tous vendu, elle s’est sentie obligée d’accepter le prix fixé.

Des consultations populaires réprimées

À partir de 2005, des consultations publiques ont été organisées par les citoyens et non par le gouvernement, comme cela aurait dû être le cas, en vertu de la Convention 169 sur les peuples autochtones de l’Organisation internationale du travail. Cet accord, ratifié par le Guatemala en 1996, prévoit que le gouvernement a le devoir d’informer et de consulter les populations autochtones quand un projet de développement les concerne et vient affecter directement leur territoire. Il n’accorde pas un droit de veto aux communautés visées, mais il oblige le gouvernement à discuter et à informer les gens qui seront touchés directement par les projets, une obligation violée par le gouvernement guatémaltèque dans le cas de la mine Marlin. « Les gens n’ont jamais été consultés, n’ont jamais donné leur consentement à ce projet », précise Francisco Bámaca.

Des 13 communautés consultées, 11 se sont prononcées contre le projet et une s’est abstenue.

Montana a tenté de s’ingérer dans le processus de consultations publiques. Des témoignages de citoyens rapportent que des employés de l’entreprise ont essayé d’empêcher les gens d’aller voter et les ont désinformés, en leur disant que les consultations avaient été annulées. L’entreprise a même déposé une plainte en Cour pour que soient arrêtées les consultations, affirmant que les citoyens avaient déjà donné leur accord et que les consultations étaient inconstitutionnelles.

Le jugement de la Cour suprême du Guatemala est venu confirmer le droit de la population à organiser ce type de consultations, en précisant qu’elles n’ont aucun poids quant à l’octroi de concessions minières, pouvoir qui relève du gouvernement guatémaltèque.

D’après François Guindon, travailleur pour Derechos en Acció, utiliser le système judiciaire et les autorités est un des moyens utilisés par Montana pour faire taire les protestataires. « Ici au Guatemala, c’est flagrant. La compagnie Montana criminalise la résistance des peuples autochtones pacifiques et utilise le système qui réagit aux intérêts d’une manière incroyablement efficace. »

Face à un système judiciaire qu’ils qualifient de corrompu et discriminatoire, les habitants de Sipakapa et de San Miguel Ixtahuacán sont venus témoigner contre Gold Corp. au Tribunal permanent des peuples (TPP), qui tenait une session au Forum social des Amériques. Tribunal d’opinion, le TPP n’a pas force de loi, mais son but est d’ouvrir un espace pour permettre à des citoyens qui n’ont pas accès à la justice de dénoncer des abus qu’ils vivent quotidiennement.

Pour les gens de Sipakapa et de San Miguel, c’était aussi l’occasion de partager leur expérience avec des membres de communautés autochtones du Honduras, du Salvador et du Nicaragua qui vivent des cas semblables avec des compagnies minières étrangères agissant en toute impunité.


L’auteure était membre de la délégation d’Alternatives qui a participé au Forum social des Amériques. Des articles et des entrevues de la délégation se retrouvent au www.stages.alternatives.ca/blog/

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