Le dernier rassemblement du G20 à Pittsburgh, l’automne dernier, s’est terminé sur une note positive. Le communiqué final affirmait que les pays du G20 avaient fait « tout ce qui était nécessaire pour assurer la reprise » et que cela « avait marché ». Depuis, la croissance est si faible qu’elle ne parvient pas régler le problème du chômage. Et les États sont désormais si endettés qu’ils arrivent difficilement à répondre aux demandes de leurs citoyens.
En ce sens, les difficultés vécues aujourd’hui en Grèce ressemblent davantage à l’exacerbation d’un problème vécu par de nombreux pays qu’à un cas d’exception. La dangereuse conjoncture qui a mené ce petit pays à subir une terrible crise — problèmes reliés à l’évasion fiscale, à la corruption, aux manipulations comptables des banques, à la spéculation — risque de se répéter à différentes doses ailleurs : en Espagne, en Italie, au Portugal et en Irlande. Et par un effet de domino, la Grèce entraîne avec elle l’Europe entière, affectée par la chute de l’euro, et l’économie mondiale, puisque tout est relié.
Les effets de la grande crise économique et financière des années 2007-2008 sont ainsi loin d’être atténués. Il faut maintenant subir les suites du sauvetage des grandes banques, les conséquences d’un endettement particulièrement lourd qui devient un prétexte pour sabrer dans les services publics et les programmes sociaux. Le G20 a donc, une fois de plus, une tâche particulièrement lourde.
Toujours illégitime
C’est sur le principe d’une plus grande légitimité que s’est établi le G20, qui corrigeait certaines tares du G8 : plutôt que de réunir uniquement les pays dit « industrialisés », en fait les grandes puissances occidentales, le G20 rassemble aussi des pays émergents aux économies florissantes, telles la Chine, l’Inde et le Brésil.
Mais il manque à ce nouveau directoire mondial — qui regroupe les trois quarts de la population de la planète — la majorité des pays, dont les plus pauvres, qui n’auront pas voix au chapitre pour des questions qui les concernent. Le G20 n’a toujours pas réussi à asseoir sa légitimité de façon convaincante. Et les politiques qu’il a adoptées pour résoudre la crise se sont révélées jusqu’à maintenant de cuisants échecs.
L’enjeu principal du prochain G20 est annoncé depuis longtemps. Il lui faut agir sur les grandes banques, principales responsables de la crise, mais sorties plus fortes des catastrophes qu’elles ont provoquées. Aucune unanimité ne s’annonce sur les solutions à prendre. Le Fonds monétaire international (FMI), appuyé par les Européens, propose une taxe sur les banques. Celle-ci permettrait d’accumuler un fonds qui servirait d’assurance lors d’une prochaine crise — que l’on considère ainsi comme inéluctable.
Le Canada a déjà fait entendre sa vive opposition à cette mesure. Nos banques se sont bien comportées pendant la crise, prétend Stephen Harper, pourquoi alors les pénaliser par une taxe ? Cette prise de position est doublement désolante. D’abord parce que les banques canadiennes ne se sont pas montrées impeccables et ont été elles aussi affectées par des produits financiers toxiques qu’elles ont achetés.
Mais aussi parce que le gouvernement Harper, grand chantre de la déréglementation, se fait du capital sur le dos d’un secteur justement protégé par une importante réglementation. Stephen Harper tire donc hypocritement avantage d’une politique contre laquelle il s’est toujours opposé.
Robin des Bois
De nombreuses organisations de la société civile proposent quant à elles une taxe sur les transactions financières, ou taxe Robin des Bois, beaucoup plus profitable à la majorité. Il s’agit d’un prélèvement très léger (de 0,05% à 0,1%) sur toutes les transactions financières (actions, obligations, produits dérivés, échange de devises) qui pourrait rapporter entre 300 et 1000 milliards de dollars par année. Cette taxe pourrait aussi ralentir la spéculation.
La taxe Robin des Bois a donc de nombreux avantages. Les fonds considérables qu’elle rapporterait n’iraient pas dans les poches bien remplies de banquiers. Ils serviraient à assurer à tous des services de base de qualité, à combattre les effets des changements climatiques, à régler le problème l’endettement des États. Cette mesure est ainsi beaucoup plus utile qu’une taxe sur les banques, dont l’effet pervers sera de les encourager à spéculer davantage, étant désormais pourvues d’une assurance contre les crises.
La route sera longue, sans doute, avant d’imposer une taxe sur les transactions financières. Il faut se méfier de la force d’inertie qui, on l’a vu lors du sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique, vient à bout des meilleures idées. Il faut aussi craindre la capacité de nuisance du gouvernement Harper, qui milite activement contre toute forme de taxe et qui veut se servir de sa position d’hôte du G20 pour bloquer les avancées.
La taxe Robin des Bois a cependant plus d’appuis que jamais. Le G20 fera preuve de son impéritie et de son mépris de l’intérêt public s’il rejette une telle idée.