
La venue à Montréal ces jours-ci du chercheur Richard Florida, l’économisteaméricain, admiré - et controversé -, auteur de l’essai hyper médiatisé The Rise of the Creative Class, va, je l’espère, faire suffisamment de vagues pour relancer le débat sur l’avenir de Montréal.
Ici comme au Canada, on aime ressasser les faiblesses et autres nids de poules de Montréal, évoquer les valse-hésitations frénétiques face aux grands projets comme le CHUM ou rappeler les classements qui placent la métropole au bas de l’échelle des grandes villes nord-américaines. Quand on observe la dynamique métropolitaine, on est forcé de constater que les décideurs provinciaux et fédéraux manquent chroniquement d’intérêt, d’ambition et de courage quand vient le temps d’accélérer la trajectoire de Montréal. Pourquoi tant d’inconsistance politique alors que la métropole a donné au Québec et au Canada quelques-uns de ses plus grands ancrages internationaux ?
Montréal est le poumon culturel et économique du Québec. Mais Montréal est désargentée et sous-équipée sur le plan fiscal et politique. Adorée par les Montréalais et les visiteurs, elle est, plus souvent qu’à son tour, effrontément éconduite par les gouvernements supérieurs, persuadés sans doute que telle le Sphinx, elle renaîtra d’elle-même. Faux, bien sûr ! De grandes villes ont périclité, Athènes, Istanbul, Saint-Pétersbourg... Vrai, cependant, que la société civile montréalaise peut être créative, que sa classe d’affaires est parfois visionnaire, que ses gestionnaires culturels sont souvent imaginatifs. Mais une ville, à plus forte raison une métropole culturelle, ne peut créer suffisamment de richesse ni bien faire fructifier son capital social sans un input substantiel de fonds gouvernementaux. Barcelone, Athènes, Glasgow, Lille, Bilbao, sont les plus récents exemples...
Ce qui risque de sauver Montréal c’est la perspective internationale qu’elle prend de plus en plus. Dans son administration municipale, chez les gens d’affaires, dans le milieu culturel, universitaire, communautaire. À cette époque où le régionalisme gagne du terrain politique, il est sain de vouloir atteindre le niveau des villes inspirantes du monde (il s’agit aussi d’une suggestion, ou bien « être de niveau avec d’autres villes... », mais « se mettre à niveau avec » est à éviter. Aujourd’hui le localisme ne peut être qu’un aveuglement. Tout comme le fait d’affirmer qu’un secteur d’activités de la Cité puisse faire cavalier seul. Nous sommes tous interconnectés. Chaque ville est un écosystème (pléonasme : un écosystème est singulier par définition) qu’il faut entretenir, sans quoi il s’atrophie.
Et si Montréal avait des atouts ignorés ? Des cartes qu’il lui faut abattre vite si elle veut rester sur sa lancée des cinq dernières années ? C’est un des mandats confiés à l’équipe de Richard Florida par Culture Montréal et ses huit partenaires. Celui d’analyser les forces, les faiblesses et les possibilités d’action de Montréal. Non pas tant pour les révéler aux Montréalais mais au reste du monde. Espérons que la classe politique et économique se penchera vraiment sur les pistes qu’ouvrira, je l’espère, le réputé penseur des villes créatives.