Billet

Fenêtre sur rue

samedi 4 septembre 2004, par Stanley PÉAN

Quoiqu’on en dise, il fait bon vivre à Montréal. Toutes proportions gardées, notre métropole est l’une des villes les plus sécuritaires d’Amérique du Nord. Aussi vaut-il la peine de le répéter, comme l’ont fait le chef du Service de police Michel Sarrazin et le maire Gérard Tremblay en conférence de presse à la mi-août, à l’heure de cette guerre des gangs de rues qui défraie les manchettes depuis quelques semaines.

Sans déconner, à en croire certains reportages des médias écrits ou électroniques, on a l’impression que Montréal se change en ville de frontière du Far West ou en réplique nordique du Chicago de la prohibition. Pourtant, la loi de la jungle n’a pas encore conquis les rues de la métropole, qui n’a pas de Jeff Fillion ni d’André Arthur pour lui polluer l’atmosphère... Alors un peu moins de bruit, s’il vous plait, qu’on s’entende penser.

D’abord, les quelque 70 événements à caractère violents reliés à la guerre des gangs de rues, dont six assassinats, nous placent encore loin derrière le bilan de l’an dernier : 678 incidents de même acabit, dont 13 meurtres ! Que les familles éplorées des victimes me pardonnent cet exposé comptable de la situation, mais j’aimerais bien qu’on puisse mettre le tout en perspective. Après tout, il est encore possible de circuler sans histoire dans la plupart des quartiers montréalais à n’importe quelle heure ou presque, ce qui n’est pas le cas de Bagdad ou de Nadjaf...

Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’inquiéter de ces gangs de rues, issus des communautés haïtienne, jamaïquaine et latino-américaine, et de ce « crime désorganisé » dont ils sont devenus les champions. Auteurs de La Gang : une chimère à apprivoiser (Boréal, 2003), les anthropologues Marc Perreault et Gilles Bibeau nous invitent à porter plus d’attention au phénomène. Dans leur essai, ils remettent en question notre philosophie sociale du moment, centrée sur le maintien de l’ordre social et l’exclusion de la marginalité.

J’aimerais en guise de conclusion les citer : « Si notre hypothèse s’avère fondée, à savoir que l’appartenance aux gangs forme, par-delà les risques de conduites antisociales, une solution de remplacement aux comportements autodestructeurs des jeunes, la conclusion à en tirer est claire : les forces de l’ordre, les professionnels et la population en général doivent démontrer une tolérance accrue à l’égard des comportements des jeunes marginaux, favoriser les regroupements des jeunes et les activités des groupes plutôt que de lutter contre elles, et accepter que les jeunes remuent à la maison, dans les salles de cours, sans les anesthésier au moyen de Ritalin. »
Matière à méditer, non ?

stanleypean@sympatico.ca

L’auteur est également écrivain, rédacteur en chef du trimestriel Le Libraire et animateur à la radio de Radio-Canada.

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