Équipe Kyoto devant la Cour fédérale

jeudi 1er mars 2012, par Yanick Touchette

La dénonciation du protocole de Kyoto par le gouvernement du Canada, le 15 décembre 2011, ne prendra véritablement effet qu’un an plus tard soit le 15 décembre 2012. Malgré cette renonciation d’Ottawa à ses engagements internationaux en matière d’environnement, le Canada aura violé sa promesse d’agir contre les gaz à effets de serre (GES) jusqu’au 15 décembre 2012 et devra assumer ses responsabilités envers la communauté internationale. C’est ce que soutient le professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Daniel Turp, qui conteste la dénonciation en Cour fédérale du Canada.

« En y pensant bien, c’est quoi cette histoire d’essayer de sortir du Protocole de Kyoto et d’essayer de le faire sans aucune conséquence ? Pendant quatre ans, le gouvernement va l’avoir violé et on ne peut pas dire que la dénonciation va avoir un effet rétroactif », souligne Daniel Turp d’un ton catégorique lors d’une réunion avec l’Équipe Kyoto à l’Université de Montréal.

De fait, lorsque la Loi sur la mise en œuvre du Protocole de Kyoto est entrée en vigueur au Canada, le 22 juin 2007, le gouvernement du Canada a de facto perdu sa prérogative royale d’agir envers le traité international. En vertu des principes de primauté du droit et de la démocratie, basée sur le système parlementaire au Canada, le respect des engagements du Canada au sein du Protocole de Kyoto devenait le 22 juin 2007 un enjeu de droit interne, avec tous les règlements et les lois que cela implique.

Le jugement déclaratoire que l’Équipe Kyoto tente d’obtenir de la Cour fédérale abonde dans ce sens. La question est primordiale pour la séparation des pouvoirs au Canada. C’est pour cette raison qu’aucune demande de compensation financière ne fait partie de la requête. « Notre demande de réparation est seulement une déclaration d’illégalité qui va amener le gouvernement à devoir se dépêtrer et faire quelque chose ; soit de recommencer tout le processus pour que ce soit légal, soit de ne pas dénoncer le Protocole de Kyoto », affirme Daniel Turp.

Dans la même optique, l’équipe tentera de plaider devant le juge Simon Noël, attitré à l’instance le vendredi 24 février dernier, qu’en plus de violer la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, cette dénonciation sans consultation préalable du Parlement va également à l’encontre du principe du fédéralisme reconnu par la Cour suprême du Canada. L’environnement étant une compétence partagée au pays, une dénonciation unilatérale en contravention d’une loi canadienne pourrait donc violer les engagements pris par des provinces comme le Québec qui a approuvé le Protocole et qui s’est déclaré lié à celui-ci. Une renonciation canadienne délierait donc automatiquement le Québec, allant à l’encontre de ses propres intérêts dans une compétence qui lui appartient en partie, souligne le professeur Turp.

Cependant, les membres de l’Équipe Kyoto ne sont pas dupes. Ils savent bien que rien ne peut être fait pour forcer le Canada à respecter ses engagements. Dans un article paru dans Le Devoir le mercredi 22 février et rédigé conjointement avec la professeure à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, Geneviève Dufour, les auteurs soulignent notamment que les résultats obligatoires et contraignants discutés à Marrakech en 2001 n’ont jamais été adoptés.
En ce qui concerne l’option de la Cour internationale de Justice (CIJ), Daniel Turp rappelle aux membres de l’équipe qu’il faudrait qu’un autre pays signataire de la convention de la CIJ soit prêt à intenter des procédures contre Ottawa. Encore faudrait-il que le gouvernement se soumette à un jugement de la CIJ rendant la dénonciation illégale.

L’ancien député bloquiste à Ottawa soutient également que l’éventuelle présentation d’une loi au Parlement pour abroger la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto ne permettrait pas au gouvernement de justifier sa dénonciation unilatérale de Kyoto. Il devait consulter les députés avant la ratification du traité. Il aurait donc dû en être de même pour sa renonciation, même avec une majorité au Parlement. Daniel Turp voit toutefois d’un bon œil le débat que cela permettra de tenir parmi les députés. Lorsqu’on lui demande si le gouvernement pourrait imposer le bâillon, il préfère croire que la démocratie et le droit de parole des citoyens seront respectés.

Finalement, l’équipe formée d’une quarantaine d’individus, a l’appui de divers organismes au Québec, tel que l’Association québécoise de la lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA). Conjointement, ces deux groupes tentent de quantifier les coûts engendrés par le non-respect du Protocole de Kyoto. Même si légalement rien ne peut directement contraindre le Canada à payer les 14 milliards de $ que le gouvernement prétend devoir défrayer s’il ne respecte pas ses engagements dans les délais prescrits, la multiplication des GES dans l’air engendre des coûts considérables, notamment en matière sociale et de santé. L’Équipe Kyoto et l’AQLPA tentent présentement de mettre en chiffres économiques pour démontrer le préjudice irréparable que le gouvernement canadien est en train de causer par son inaction.

La Cour suprême a déjà réprimandé le gouvernement actuel par le passé, notamment dans l’affaire Omar Khadr. Même si on ne peut forcer Ottawa à agir, l’Équipe Kyoto, par sa détermination, rappelle qu’il est important de se battre pour conserver des principes démocratiques acquis au fil du temps Le 24 février dernier, le Procureur général du Canada (PGC) s’est opposé à la requête par le biais de ses avocats. L’instance pourra soit être entendue devant le juge Noël les 10 et 11 avril ou les 22 et 23 mai pour une audition sur le fond de la question constitutionnelle. Sinon la requête qui devait avoir lieue le 27 février serait reportée au 27 mars 2012, où le PGC pourrait obtenir un nouveau délai quant à l’audition de la question constitutionnelle. L’Équipe Kyoto, représentée par le juriste de renom Julius Grey, espère être en mesure de plaider sur le fond au mois d’avril.

Une pétition symbolique est en ligne sur le site Web de l’Équipe Kyoto pour les citoyens voulant signer directement le Protocole de Kyoto. Une vidéo expliquant la démarche est également accessible.


Pour signer le Protocole symbolique en ligne, cliquez ici.

Pour voir la vidéo de l’Équipe Kyoto, cliquez ici.

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