Depuis son indépendance, en 1953, le Cambodge a vécu une succession d’événements qui ont fragilisé le pays. À la suite d’agressions répétées à leurs frontières sud, les Vietnamiens envahissent le Cambodge en 1979, levant ainsi le voile sur les atrocités commises pendant quatre années par les Khmers rouges et leur dirigeant, Pol Pot. Le monde entier découvre le génocide qui a fait deux millions de morts dans un pays qui comptait alors huit millions d’habitants. Le retrait des troupes vietnamiennes en 1989 entraînera quelques années plus tard la mise sous tutelle du Cambodge par les Nations unies, qui somment le pays d’organiser des élections libres.
C’est ainsi qu’en 1993, deux partis s’affrontent. À la fin des élections, le Parti du peuple cambodgien (PPC), enfant de l’administration vietnamienne, avec Hun Sen à sa tête, refuse de céder le pouvoir au Funcinpec, le parti du roi Norodom Sihanouk, qui sort officiellement gagnant. Les partis s’entendent alors pour partager le pouvoir : le roi garde son trône et son fils, le prince Norodom Ranariddh, assume avec Hun Sen la fonction de premier ministre. Supportant mal le partage de pouvoir, Hun Sen dirige en 1997 un coup d’État contre le copremier ministre, puis remporte les législatives de 1998. La même année, le PPC accueille d’anciens hauts placés du régime de Pol Pot, qui quittent le maquis pour se rallier au gouvernement.
Actuellement, le gouvernement de coalition tient toujours, avec comme figures de proue un chef d’état, le roi Norodom Sihanouk, qui gouverne, mais ne dirige pas, et le premier ministre Hun Sen, qui se maintient au pouvoir depuis 18 ans.
Un nouveau venu sur l’échiquier politique est le chef de l’opposition Sam Rainsy, à la tête du parti du même nom (Parti Sam Rainsy, PSR). De retour au pays en 1992 après des études en France, il milite pour la démocratie au Cambodge.
Bien que tous ces partis se disent démocrates, Sukun Keat, directeur du Khmer Institute of Democracy (KID), soutient que « la démocratie pourra être renforcée au Cambodge si les dirigeants du parti élu ont la volonté qu’il en soit ainsi, sans craindre de perdre leur pouvoir. Si le parti au pouvoir dirige le pays selon le principe démocratique, ce parti écoutera et respectera la volonté du peuple et travaillera pour son bien. Alors seulement la vie quotidienne des Cambodgiens pourra être améliorée ».
Vers les législatives
Le 3 février 2002, 5,2 millions de Cambodgiens se rendaient aux urnes pour l’élection du conseil communal (la commune est une unité administrative qui regroupe plusieurs villages). Malgré les recommandations quant à la liberté politique des candidats, l’assemblée nationale, dominée par le PPC, en décida autrement. Aucun candidat indépendant n’était autorisé à se présenter. En plus de favoriser le parti au pouvoir, Sukun Keat souligne les répercussions de cette décision sur la population locale : « Les membres des conseils de commune sont les instruments des partis auxquels ils sont rattachés. Ils travaillent pour leur parti plutôt que pour le peuple. »
Ce procédé a permis au PPC de se maintenir à la tête de 98 % des communes du pays, mais comme le fait remarquer le directeur du KID, dans ces circonstances, « le Funcinpec et le PSR étaient satisfaits d’avoir [tout de même] réussi à faire élire quelques représentants dans les conseils ».
Car mentionnons également le climat de peur et de répression dans lequel les élections communales ont baigné. Un rapport des Nations unies recense 15 candidats et militants politiques assassinés ou « morts dans des circonstances suspectes » dans l’année précédent les élections, appartenant tous au PSR ou au Funcinpec. Pour le KID, au premier plan des dérapages électoraux se trouve le National Election Committee (NEC), l’instance supposée veiller au bon déroulement des élections. Comme ses membres sont nommés par les partis au pouvoir et que les représentants du PSR ont été exclus, le NEC peut difficilement exercer une autorité crédible et sévir envers les agressions multiples dirigées contre l’opposition.
À suivre, le soir des élections…
Alexandra Gilbert, journal Alternatives